Collée à moi comme une sangsue

Écoute, pourquoi tu me colles comme une sangsue ? Je travaille, tu comprends ?! Je fais tout ça pour la famille, daccord ? Cest quoi ces questions stupides ? Où veux-tu que je sois, sinon au boulot ? Toi, tu ne sers à rien, tu te la coules douce à ne rien faire, pendue à mon cou comme un boulet !

…Léa avait épousé Théo Martin il y a trois ans. Il lavait courtisée longtemps, multipliant les efforts pour la séduire. Une fois, il avait même grimpé à un arbre devant tous leurs amis et déclaré haut et fort quil était prêt à tout pour elle.

Ces souvenirs lui donnaient maintenant la nausée. Elle naurait jamais imaginé quà peine un an et demi après leur mariage, tout changerait si radicalement. Théo avait soudain cessé de la voir comme une femme. Une ménagère, une cuisinière, une conseillère, une épaule sur laquelle pleurer, oui. Mais une épouse, une amante ? Plus jamais. Il ne lui accordait plus aucune attention, ne lui offrait plus de petits cadeaux. Il avait même oublié son anniversaire. Léa avait tenté de parler avec lui, de comprendre, mais Théo se contentait de marmonner que « tout allait bien ».

Après la naissance de leur fils, tout avait empiré. Pendant quelle était encore à la maternité, il avait déménagé ses affaires dans la chambre du bébé. À son regard interrogateur, il avait haussé les épaules :

Quest-ce quil y a ? En tant que mère, tu dois être près de notre fils. Moi, comme je suis le seul à travailler dans cette famille, jai besoin de dormir. Cest logique, non ? Le bébé na pas encore de rythme, il va pleurer la nuit. Et moi, je dois me lever tôt le matin avec la tête dans le brouillard ? On fera comme ça pour linstant.

Depuis un mois, Léa sentait bien quelle nétait plus la seule dans la vie de Théo. Bien sûr, il avait toujours eu tendance à rester tard au bureau, à rentrer après minuit. Mais maintenant, sajoutait la méchanceté : si elle osait poser des questions, il se mettait à râler :

Écoute, pourquoi tu me colles comme une sangsue ? Je travaille, tu comprends ?! Je fais tout ça pour la famille, daccord ? Cest quoi ces questions stupides ? Où veux-tu que je sois, sinon au boulot ? Toi, tu ne sers à rien, tu te la coules douce à ne rien faire, pendue à mon cou comme un boulet !

Léa se sentait coupable. Après tout, il avait raison, non ? Sil rentrait à deux heures du matin, cétait pour elle, pour leur famille. Les heures supplémentaires étaient bien payées, cétait normal quil en fasse. Jusquà récemment, elle navait même pas imaginé quil puisse y avoir une autre femme.

…Léa se réveilla en sursaut au bruit de la porte qui claquait. Théo était déjà parti. Elle fronça les sourcils. Encore une fois, il ne lui avait même pas dit bonjour. Depuis des mois, ils ne partageaient plus leurs matinées, et encore moins leur lit. Dès la naissance du bébé, son cher mari lavait « exilée » dans la chambre denfant. Leur relation, autrefois si forte, seffritait comme un château de cartes…

Léa se redressa, prit son téléphone et appela Théo. La sonnerie dura longtemps avant quil ne décroche, dune voix sèche et agacée :

Quest-ce que tu veux ? Je suis occupé !
Le cœur serré, elle répondit :

Bonjour. Je voulais juste te souhaiter une bonne journée. Tu es parti si tôt, et…

Théo semporta :

Et cest pour ça que tu mappelles ? Jai une réunion, je nai pas le temps pour tes simagrées. Léa, tu es une vraie sangsue. Tu me fatigues, à la fin !

Il raccrocha. Léa essuya une larme et se leva doucement. Le petit allait bientôt se réveiller, elle devait se préparer avant. Et réfléchir à ce quelle allait faire.

En passant devant le miroir de la salle de bains, elle sarrêta. Les yeux rougis, les cheveux en bataille, plus aucune trace de ce teint éclatant quelle avait autrefois.

Bien sûr… Quelle femme es-tu devenue, Léa ? Une mère épuisée, une vraie sangsue, pensa-t-elle traîtreusement, et les larmes coulèrent à nouveau.

Après sêtre lavé le visage, elle retourna dans la chambre pour prendre des draps propres. Son regard glissa sur létagère… quelque chose manquait. Elle mit du temps à réaliser quoi.

La boîte avait disparu. Celle quelle avait achetée pour leur troisième anniversaire de mariage, prévoyant une soirée romantique le 13 octobre. Elle avait pris la plus grande, au cas où.

Il la déplacée ? murmura-t-elle. Pourquoi ?

Deux heures plus tard, son fils endormi, elle tenta à nouveau de joindre Théo. La phrase quil lui avait balancée lui restait en travers de la gorge : « Tu es une sangsue. » Elle savait quil avait une pause déjeuner après sa réunion.

Théo, cest encore moi. Désolée de te déranger, mais…
Quest-ce quil y a maintenant ? coupa-t-il sèchement.
Je crois quon doit parler. Vraiment parler.
Alors parle, mais vite.
Pas au téléphone. Ce soir, après le travail ?
Ce soir, je veux me poser devant la télé, pas écouter tes reproches. Tu ne pouvais pas attendre ?
Mais cest important… Tu ne me regardes même plus. Tu ne remarques plus rien, ni ma tenue, ni ce que je ressens…
Ah, voilà ! soupira Théo. Daccord, reprenons. Ton look ? Bof. Comme toutes les femmes après un accouchement. Tu as pris du poids, des cernes. Cest pas grave, ça reviendra. Pour tes sentiments… Léa, tu es mère maintenant ! Sois heureuse davoir un enfant, certaines en rêvent. Moi, je passe après. Pense à notre fils.
Ce nest pas juste ! Je suis un être humain, moi aussi ! Jai besoin de me sentir aimée, désirée…
Bon, daccord. Commençons par ton apparence. Change de coiffure, peut-être ? Et cette robe te va mal. Tu sais que jaime quand tu thabilles bien. Et puis… tu ne prends plus soin de toi. Tu ne sens pas bon. Avant, tu avais toujours les ongles faits, du maquillage… Maintenant ? Tu ressembles à une souris grise.
Une souris grise ? Je nai pas le temps, Théo ! Je moccupe du bébé toute la journée ! Tu as déjà passé ne serait-ce quune heure avec lui ?
Et je ne le ferai pas ! Mon rôle, cest de gagner de largent. Le tien, cest la maison et le gamin. Et pense un peu à toi ! Regarde-toi dans le miroir ! Tu ne cuisines plus comme avant… Au fait, le repas de ce midi ? Jespère que tu nas pas trop salé, comme la dernière fois ? Je tavais dit de suivre les recettes ! Pff, tu mas gâché ma journée. On se parle ce soir.

Léa ne le dérangea plus de la journée. Avant son retour, elle prit une douche rapide, se maquilla légèrement, tenta une coiffure. Elle laccueillit dans lentrée avec un sourire, lui demanda comment sétait passée sa journée. Mais au lieu de se réjouir, Théo sénerva :

Léa, cest quoi ce cirque ? Pourquoi tu tes habillée comme ça ? Cette robe est ridicule, elle ne te va pas du tout ! Enlève ça tout de suite !

Léa craqua. Elle lui envoya une gifle et courut en sanglots dans la salle de bains. Elle frotta son visage avec rage, jeta sa robe à la poubelle. Théo, impassible, ne sembla même pas touché. Il refusa de dîner et sallongea devant la télé.

Plus tard, après avoir couché leur fils, Léa retourna le voir. Elle avait besoin dune raison pour parler, de le confronter. Savoir pourquoi il ne laimait plus, depuis quand. Théo lignora. Elle sassit au bord du lit et demanda directement :

Théo, où est passée la boîte dans le placard ?
Il grogna sans la regarder :

Quelle boîte ? De quoi tu parles ?

Léa respira profondément. Il fallait rester calme.

La boîte de préservatifs. Je lavais achetée pour notre anniversaire. Je lai cherchée aujourdhui, elle ny était plus. Jai pensé que tu lavais rangée. Je voulais organiser une soirée… Javais prévu que ta mère garde Louis.

La réaction de Théo fut violente. Il bondit et hurla :

Tu insinues quoi ? Que je les ai donnés à une autre ? Tu es folle ? Comment oses-tu me dire ça ?

La dispute éclata. Sans comprendre comment, Léa se retrouva face à son aveu :

Oui, je les ai pris. Et dailleurs, je te quitte. Ça fait longtemps que je voulais te le dire, mais je tépargnais. Cest ta faute ! Tu es vraiment à ce point aveugle ? Il y a quelquun dautre.
Depuis quand ? demanda-t-elle calmement. Une étrange sérénité lenvahit.
Depuis longtemps, rétorqua Théo. Avant même la naissance de Louis. Quand tu étais enceinte, tu étais insupportable. Tu geignais tout le temps, tu voulais que je te câline… Tu ne sais pas à quel point tu ménervais. Je ne reste que pour notre fils, compris ?
Et elle, elle a quoi de plus ? Dis-le-moi.
Théo eut un sourire cruel :

Un avantage majeur, Léa. Elle ne peut pas avoir denfants.

Léa tourna les talons et sortit. Plus de larmes, plus de douleur. Théo venait de la libérer. Elle sassit par terre près du berceau, caressa doucement la joue de son fils. Tout irait bien. Quant à Théo… Quil aille au diable.

…Théo fut correct : il quitta lappartement, laissant Léa et Louis chez eux. Sa famille à lui, comme la sienne, la soutint. Le divorce se passa sans histoires, il paya la pension sans discuter. Mais il ne voyait presque jamais Louis. Peut-être valait-il mieux ainsi. Léa navait aucune envie de le revoir. Elle se souvenait de chaque mot, surtout ceux sur la sangsue et la « robe ridicule ». Voilà. Cest ça, la vie.

Оцените статью
Collée à moi comme une sangsue
Arrivée inattendue : Le secret que je n’ai jamais voulu découvrir