**Journal dun Homme Une Leçon sur lAmour et les Chats**
Ça va mal. Très mal. Cest amer, douloureux, et injuste.
Je nai même plus de larmes pour pleurer.
Pourquoi ? Pourquoi ma-t-il fait ça ?
Sept ans. Sept années heureuses.
On se tenait la main, il ne ma jamais dit un mot méchant, et puis dun coup, il est parti. Non, pas parti. Il sest enfui, comme un lâche.
Le téléphone sonne et sonne encore. Qui peut bien appeler à cette heure ?
Maman.
Allô, ma chérie ma chérie, quest-ce que tu fais ?
Rien, maman. Je fais ma voix calme, posée.
Tant mieux. Tu ne pleures pas pour ce bon à rien, jespère ? Un imbécile reste un imbécile, même à Paris ! Elle rit de sa propre blague. Ma chérie, je voulais tinviter à la maison de campagne ce vendredi. Ta tante Sophie viendra avec son neveu, Antoine. Tu ne le connais pas, mais moi, oui. Un garçon bien, tu verras. La vie ne la pas épargné.
Il a tué sa femme ?
Quoi ? Qui a tué qui ?
Bah, tu dis quil sest « débarrassé » delle
Oh, mon Dieu, quelles horreurs tu dis ! Mais cest bien, ma puce, ris un peu Tu sais, quand Jacques ma quittée, jétais comme toi. On étudiait ensemble au conservatoire, moi au violoncelle, lui à la trompette. Un garçon charmant, des boucles blondes Je laimais tant. Et puis, ce salaud ma quittée pour une clarinettiste. Jai erré sur les quais de la Seine, prête à me noyer
Maman je ne suis pas dhumeur à parler.
Ah bon ? Bon, très bien. Alors, tu viens vendredi ?
Je ne sais pas.
Non, Élodie, ce nest pas une réponse. Promets-moi !
Daccord, maman je viendrai, mais pas longtemps.
Parfait. Je tembrasse. Ton père et moi, on est là pour toi, tu entends ?
Je menroule dans une couverture, éteins la lumière. Plus de larmes, plus de force.
Une seule question : pourquoi ?
Le téléphone sonne encore. Ma sœur. Si je ne réponds pas, elle va alerter toute la famille.
Allô.
Ma chérie, tu pleures ?
Non, pourquoi je pleurerais ? Mon mari ma juste quittée, rien de grave. Lhomme avec qui je voulais fonder une famille.
Eh bien, tant mieux ! Tu vas pas te morfondre pour un connard. Quand Julien ma larguée, jai cru mourir. Tu te souviens de lui ? Un vrai Apollon. Et regarde-moi maintenant ! Bref, on part en rando ce week-end. Il y aura Victor, il vient de se faire quitter. Sympa, tu verras. Ton ex, de toute façon, je lai jamais aimé Tu viens ?
Je réfléchirai, Sandrine
Il fait froid. Si froid que ça fait mal. Jai les yeux brûlants.
Nouvel appel. Mamie.
Allô
Ma petite Élodie Viens me voir. Je tai préparé des beignets, du chocolat chaud. On trinquera même à ton bonheur. Ton grand-père ira au jardin, et nous, on se consolera. Je comprends ta peine. Quand Nicolas ma quittée, jai même fumé ! Puis jai rencontré ton grand-père
Daccord, mamie je verrai.
Toute la journée, on ma appelée pour me raconter leurs propres histoires de cœur brisé.
Le soir, enfin assoupie, on sonne à la porte.
Je nouvrirai pas.
Mais les coups persistent.
Élodie se lève, traîne les pieds.
Personne. Elle va refermer quand une voix grogne :
Vous allez bouger ? On veut entrer !
Elle baisse les yeux.
Mon Dieu Quest-ce que cest ?
Une procession de chats franchit le seuil.
Vous qui êtes-vous ?
Ça ne se voit pas ? Des chats.
Quels chats ?
Différents. On est là pour aider. Allez, fermez la porte, vous allez prendre froid.
Nous sommes une famille.
La famille Chaton.
Maman Chaton inspecte ma tête. Petit Chaton vérifie mon pouls. Sœur Chaton prépare le thé.
Assise, hagarde, je les observe déambuler dans lappartement.
Grand-mère Chaton, elle a besoin dune histoire.
Ronron, ma chérie que le bonheur chasse le malheur Papa Chaton, couchez-la. Tante Chaton, plumez loreiller.
Ils me massent les mains, les pieds. Je mendors.
À mon réveil, je me sens plus légère.
Les Chatons ont disparu. Dommage, ce nétait quun rêve.
Dehors, le soleil se lève. Lautomne est magnifique.
Ridicule de prendre des congés pour pleurer Ah, vendredi ! Jai promis à maman daller à la campagne.
Devant limmeuble, un petit miaulement.
Un chaton seul.
Où est ta famille ?
Silence. Un petit cri.
Je lemporte sous mon manteau. On verra là-bas.
Je ne les ai pas vus, mais les Chatons mobservaient, satisfaits.
Dans le train, un homme me demande son chemin.
Vous allez où ?
À Lumières. Cest ma première fois.
Moi aussi. Allons-y.
On parle. Il sappelle Théo. Arrivés, nous sommes presque amis.
Élodie vous cherchez le 37 ?
Vous êtes le neveu de tante Sophie ?
Et vous la fille de tante Élisabeth ?
On rit en entrant dans le jardin.
Qui caressiez-vous si tendrement ?
Mon fils.
Votre fils ?
Oui, voici Chaton Chaton !
Vraiment ? fait Théo, amusé.
Un problème ?
Aucun. Permettez-moi de me présenter : Théo Chaton.
Quand nos familles nous voient rire, elles sourient. Le chaton nous observe, intrigué.
***
Un gros chat gris regarde par la fenêtre.
Où sont-ils ? Ronronne-t-il. Un bébé de deux mois, et ils le promènent partout
Élodie se demande encore comment ce chaton a pu prendre un selfie sur son téléphone.
Théo et elle ont leurs théories. Elle croit avoir rêvé.
Mais lui, lancien, est revenu.
Avec du champagne, des chocolats.
Élodie était sortie. Pas encore mariée à Théo, mais presque.
Chaton Chaton la accueilli.
Quest-ce que vous voulez ?
Lhomme a blêmi.
Dégagez, a ordonné Chaton. Et napprochez plus jamais notre Élodie.
Puis, dans un élan puéril, il a pissé dans sa chaussure.
*****
Bonjour, mes chers.
Dépêchez-vous doublier cette histoire, sinon les Chatons viendront vous gronder.
Je vous embrasse.
Gardez la foi.
Toujours vôtre.







