**Journal de Marc Une leçon damour**
Trente jours sétaient écoulés depuis ce pari stupide. Trente jours que mes amis ceux avec qui javais partagé tant de nuits vides dans les bars chics de Paris attendaient avec une curiosité malsaine. Leurs messages pleuvaient sur mon téléphone, comme des mouches agaçantes : « Alors, prêt à payer laddition ? » ou « Ta petite femme dodue a sûrement préparé une valise pour largent ! ».
Je restais silencieux. Comment leur expliquer que ma réalité navait plus rien à voir avec leur scénario cynique ? Je vivais désormais dans un autre monde. Un monde où les matins ne commençaient plus par un espresso amer avalé à la hâte, mais par lodeur enivrante des croissants que Sophie faisait cuire dans ma cuisine aseptisée, autrefois si vide. Les soirées, autrefois bruyantes et creuses, se passaient maintenant sous la douce lumière dune lampe, au son dune musique qui mapprenait à danser. Au début, mes gestes étaient maladroits, mécaniques. Mais peu à peu, ces mouvements gauches se transformèrent en un dialogue silencieux, une conversation entre deux âmes.
Cest lors de ces soirées que jai découvert son histoire. Sophie avait voué sa vie à la danse, mais on lui avait fermé les portes des grandes scènes, jugée trop « ronde » pour le ballet classique. Elle sétait alors tournée vers la valse, où la grâce ne se mesurait pas en kilos, mais en passion. Elle mavait appris à écouter la musique, à sentir chaque note, chaque vibration et surtout, à écouter mon propre cœur.
Le jour J arriva. Mes amis se pressèrent dans ce restaurant étoilé où le pari avait été conclu, le sourire aux lèvres, avides de moqueries. Je me levai, calme et déterminé.
Le pari est terminé, annonçai-je. Je lai perdu.
Un murmure incrédule parcourut la salle.
Comment ? Tu tes vraiment marié ! sexclama lun deux.
Javais parié que je pourrais épouser une femme ordinaire et men débarrasser après trente jours, répondis-je dune voix claire. Mais je ne peux pas la quitter. Parce que je laime. Et elle nest pas ordinaire cest une femme extraordinaire, qui ma appris à être un homme, pas juste un portefeuille sur deux jambes. Prenez votre argent. Il ne vaut plus rien à mes yeux.
Je jetai une liasse de billets sur la table et tournai les talons.
Attends ! intervint Antoine, lun de mes anciens amis. Tu es sérieux ? Pour une femme bien en chair ?
Je me retournai lentement, le regard glacé.
Dabord, elle sappelle Sophie. Retiens-le. Ensuite, si lun dentre vous ose la manquer de respect, notre amitié sarrêtera là. Pour toujours.
Dehors, lair me parut plus léger, plus pur.
À la maison, Sophie mattendait sur le balcon, sa robe légère flottant dans la brise.
Alors ? demanda-t-elle sans se retourner.
Cest fait.
Et maintenant ?
Maintenant, je suis libre. Libéré de leurs jugements, de leur argent sale, de lhomme arrogant que jétais.
Elle se tourna vers moi et posa une main sur mon cœur.
Tu sais, moi aussi, jai fait un pari, avoua-t-elle. Un pari avec moi-même : que je pourrais, en un mois, faire tomber amoureux ce riche prétentieux. Et lui faire comprendre que le bonheur ne sachète pas.
Je ris, dun rire vrai, profond.
Qui a gagné, alors ?
Nous deux.
Nous restâmes là, enlacés, regardant le soleil disparaître derrière les toits de Paris. Ce soir-là, je compris une vérité simple : lamour ne se marchande pas. Il se danse.
**Leçon du jour :** Parfois, il faut perdre un pari pour gagner une vie.







