Tante Zoé, où est Michel ?
Quest-ce que tu lui veux ?
On devait aller cueillir des fraises ce matin.
Il est parti, avec les garçons.
La jeune fille sentit ses lèvres trembler. *Comment ça, parti ?* Il lui avait promis
Écoute, Tomine, pourquoi taccroches-tu à ce garçon ? bientôt, tu auras lâge de courir après les hommes, et tu traînes encore avec des gamins. Va donc avec les filles, laisse Michel tranquille, tu mentends ?
Zoé ne supportait pas cette grande bringue aux lèvres trop rouges, aux yeux trop brillants, qui ressemblait à une échassière au bord de létang. Rien quà la regarder, elle sentait une irritation monter. *Une enfant, et pourtant si désagréable*
Les lèvres de Tomine tremblèrent, des larmes perlèrent.
Pfuit ! Quelle calamité, marmonna Zoé en séloignant vers le fond de la cour.
À cet instant, son fils, Michel, jaillit de lécurie.
Où vas-tu ?
Dans les bois.
Tu as nettoyé lenclos des cochons ?
Oui, maman.
Et la paille, tu las changée ?
Oui, maman.
Les poules
Maman, jai travaillé toute la matinée, cest les vacances ! On devait aller aux fraises, cest pour ça que je me suis levé tôt. Les autres mattendent.
Quels autres ?
Mais maman les copains, comme dhabitude : Vincent, Paul, Sébastien, Théo et Gérard.
Tu nas oublié personne ?
Non, maman. Je dois y aller.
Et cette grande bringue, elle vient avec vous ? Une fille parmi les garçons ?
Maman, arrête ! Quest-ce que Tomine ta fait ? Cest mon amie.
Ton amie ? Méfie-toi, mon petit, chuchota Zoé en lui saisissant lépaule. Elle finira par tenvelopper dans ses filets, et alors, gare à toi ! Écoute ta mère.
Maman, de quoi tu parles ? séchappa le garçon, sauta sur son vélo et partit sans se retourner.
Tomine ! Tomine ! entendit-elle la voix joyeuse de son fils.
Zoé sassit et pleura. *Pourquoi saccroche-t-elle à lui ? Dans deux ans, il se mariera, et il ramènera cette grande bringue à la maison Non, ça narrivera pas.*
Elle essuya ses larmes et se dirigea vers le portail. Après une hésitation, elle sengagea dans la rue.
Près du tas de sable, des enfants jouaient.
André, ta mère est là ?
Oui, répondit le garçon, absorbé par son trou.
Appelle-la.
Mman ! hurla-t-il.
*Oh là là, il na quà y aller Quelle famille de braillards.*
Oui ? répondit une voix derrière la haie.
Viens, une dame te demande.
La mère dAndré et de Tomine apparut, une femme grande, tachetée de son, aussi effilée que sa fille.
Anne, viens ici.
Bonjour, Zoé. Quest-ce qui se passe ? Un problème avec les enfants ? demanda-t-elle en sessuyant les mains sur son tablier.
Rien de grave, mais occupe-toi de ta Tomine. Une fille ne court pas après les garçons.
Quoi ?
Elle ne lâche pas mon Michel.
Tu as mangé de la jusquiame ce matin ? Ce ne sont que des enfants ! Ils vont aux champignons, aux fraises, cueillir des herbes pour les lapins
Toi, peut-être, mais pas moi, rétorqua Zoé.
Oh, regarde-moi ça ! Et qui courait après mon frère Jacques ? Qui se cachait derrière le hangar pour fumer ? Qui sembrassait en riant ? Crois-tu que jai oublié ? Je nai que quatre ans de moins que vous.
Contrôle ta fille, sinon elle finira enceinte.
Et toi, tu ne létais pas ? Peut-être que Paul, le fils de Jacques
Imbécile ! Mes enfants sont de mon mari. Mais toi, avec tous tes bâtards
Moi ? Jai un mari qui maime, et nous vivons en paix. Le tien, il reste par peur. Jacques ta laissée, et tu as attrapé le premier venu.
Zoé savait quAnne avait la langue bien pendue. Mais elle aussi savait se défendre.
Pendant ce temps, les enfants, après la cueillette, couraient vers la rivière. Ils se déshabillaient en courant, se jetaient à leau, éclaboussaient, riaient. Ils étaient purs, sans la saleté des adultes.
Quest-ce que tu feras plus tard, Paul ?
Comme mon père, mécanicien.
Et toi, Tomine ? Chanteuse ?
Pourquoi chanteuse ?
Toutes les filles veulent être artistes, chanton







