**Journal intime Une révélation douloureuse**
« Mamie, maman a dit quil faut te mettre dans une maison de retraite. » Jai entendu la conversation de mes parents un enfant ninvente pas une chose pareille.
Je marchais dans les rues dun petit village près de Toulouse, allant chercher ma petite-fille à lécole. Mon visage rayonnait de joie, et le claquement de mes escarpins sur le trottoir résonnait comme autrefois, quand la vie semblait une mélodie sans fin. Aujourdhui était un jour spécial javais enfin obtenu mon propre chez-moi. Un appartement lumineux et spacieux dans un immeuble neuf, quelque chose dont javais rêvé pendant des années. Presque deux ans à économiser, à mettre de côté chaque centime. La vente de la vieille maison à la campagne navait rapporté que la moitié de la somme, ma fille, Élodie, avait complété le reste, mais javais juré de lui rembourser. Pour une veuve de soixante-dix ans, la moitié de ma pension suffisait, tandis que les jeunes ma fille et son mari en avaient bien plus besoin, leur vie étant devant eux.
Dans la cour de lécole mattendait ma petite-fille, Amélie, une fillette de huit ans aux nattes fines. Elle courut vers moi, et nous rentrâmes ensemble, bavardant de petites choses. Cette enfant était la lumière de ma vie, mon plus grand trésor. Élodie lavait eue tard, presque à quarante ans, et mavait alors demandé de laide. Je ne voulais pas quitter ma maison de campagne, où chaque coin gardait un souvenir, mais par amour pour elles, javais tout sacrifié. Je métais rapprochée, moccupant dAmélie je laccompagnais à lécole, restais avec elle jusquau retour de ses parents, puis regagnais mon petit appartement douillet. Le logement était au nom dÉlodie juste par précaution, les personnes âgées étant vulnérables, et la vie imprévisible. Je navais pas protesté : pour moi, ce nétait quune formalité.
« Mamie, » minterrompit soudain Amélie, ses grands yeux levés vers moi, « maman a dit quil faut te mettre dans une maison de retraite. »
Je me figeai, comme si on mavait versé de leau glacée sur le dos.
« Une maison de retraite ? » demandai-je, sentant le froid menvahir les os.
« Oui, là où vivent les vieilles mamies et les vieux papis. Maman a dit à papa que tu y seras bien, sans souci, » murmura Amélie, chaque mot résonnant comme un coup de marteau.
« Mais je ne veux pas y aller ! Je préférerais me reposer pour de bon, » répondis-je, la voix tremblante tandis quun tourbillon semparait de mes pensées. Cétait incroyable quune enfant puisse dire une telle chose.
« Mamie, ne dis pas à maman que je tai raconté, » chuchota Amélie, se serrant contre moi. « Je les ai entendus parler la nuit. Maman a dit quelle avait déjà tout arrangé avec une dame, mais quils temmèneront seulement quand je serai un peu plus grande. »
« Je te le promets, mon ange, » assurai-je en ouvrant la porte de la maison. Ma voix tremblait, mes jambes flageolaient. « Je ne me sens pas bien, la tête me tourne. Je vais mallonger un peu, va te changer, daccord ? »
Je maffalai sur le canapé, sentant mon cœur battre à tout rompre tandis que tout devenait flou devant mes yeux. Ces mots, prononcés par cette petite voix, avaient brisé mon monde. Cétait vrai une vérité terrible et implacable quun enfant naurait pu inventer. Trois mois plus tard, jai rassemblé mes affaires et suis retournée à la campagne. Jy loue maintenant une petite maison, épargnant pour un nouveau foyer qui me donnera un peu de stabilité. Danciennes amies et des parents éloignés me soutiennent, mais au fond demeurent le vide et la douleur.
Certaines personnes me critiquent, chuchotant dans mon dos : « Elle na quà sen prendre à elle-même, elle aurait dû en parler à sa fille, clarifier les choses. » Mais je reste ferme.
« Un enfant ninvente pas ça, » dis-je dune voix déterminée, fixant le vide. « Le comportement dÉlodie parle de lui-même. Elle na même pas téléphoné, elle ne sest pas demandé pourquoi je suis partie. »
Apparemment, ma fille a tout compris, mais elle se tait. Et jattends. Jattends un appel, une explication, un seul mot, mais je ne compose pas son numéro la fierté et la peine menchaînent. Je ne me sens pas coupable, mais mon cœur se brise dans ce silence, face à cette trahison venue des miens. Et chaque jour, je me demande : est-ce là tout ce qui reste de mon amour et de mes sacrifices ? Ma vieillesse est-elle condamnée à la solitude et à loubli ?







