*Journal intime*
Ce matin, en ouvrant la poubelle de la cuisine, Élodie est tombée sur une robe. Elle a pâli. Et cette robe ! Tu vas me dire que cest moi qui lai jetée là ?
Tous les jours, elle se posait la même question sans réponse : quest-ce quelle trouvait à Théo ?
Il était banal elle avait honte de le montrer à ses amies, alors pour elles, elle vivait seule. Seule sa sœur savait quelle partageait sa vie avec un homme, et gardait le secret.
Théo navait pas accompli grand-chose mécanicien dans une aciérie, il gagnait à peine de quoi vivre.
Parfois, devant la télé, Élodie songeait quil était temps de rompre.
Mais à chaque fois, il lui offrait des fleurs ou un petit cadeau, et elle remettait la décision à plus tard.
Avant de la rencontrer, Théo avait été marié. Deux mois seulement, mais assez pour avoir une fille.
Lorsquil lavait présentée à Élodie, lenfant avait douze ans. Élodie ne lavait jamais vue, et nen avait aucune envie.
Loccasion simposa à la veille de son anniversaire, quelle comptait fêter entre amies.
Élodie commença Théo, hésitant. Mon ex doit partir en voyage daffaires. Elle veut que je prenne Lila quelque temps
Combien de temps ? fit Élodie, dépitée à lidée de gâcher son anniversaire.
Un mois
Pourquoi si longtemps ? Elle ne peut pas comprendre quon doive la nourrir, cette gamine ?
Elle na rien envoyé pour les frais, avoua Théo, les mains vides.
Tu paies déjà une pension, non ? Donc elle vit ici un mois, et sa mère profite de largent ? rétorqua-t-elle sèchement.
Avec mon salaire, tu sais bien que ce nest pas grand-chose
Et comment tu comptes torganiser ? sénerva Élodie. Il faut lemmener à lécole, sen occuper Pourquoi tu acceptes ?
Je suis son père, non ? répondit-il, déconcerté. Tu voudrais que je la rejette ?
Dabord, tu ne vis pas seul. Ensuite, cest mon appartement tu aurais dû me demander. Et enfin, cest mon anniversaire, et je ne veux pas que ça gâche tout ! lança-t-elle fermement.
Ma fille nest pas un problème, murmura Théo, culpabilisé.
Tout va mal tourner, jen suis sûre, croisa-t-elle les bras.
Il tenta de la rassurer, mais le lendemain, une adolescente joufflue, maquillée comme une starlette, se tenait sur le seuil.
Elle toisa Élodie sans un bonjour et demanda à son père :
Où est-ce que je dors ?
Dans la cuisine répondit-il, gêné.
Lila roula des yeux et courut pleurer dans la salle de bains.
Cest quoi, cette attitude ? sindigna Élodie. Insolente et mal élevée. Tant mieux, je fête mon anniversaire au café. Et toi, tu restes ici.
Pourquoi ? sétonna Théo. Je pensais que tu me présenterais enfin à tes amies. On vit ensemble depuis six mois
Tu gardes lenfant, trancha-t-elle, soulagée de ne pas avoir à exhiber ce compagnon ordinaire face aux petits amis élégants de ses amies.
Comme tu veux, répliqua-t-il, blessé.
Le lendemain, Élodie saffairait pour ses préparatifs. Elle repassa sa robe et la suspendit, impatiente pour la soirée.
Théo ne lui adressa pas la parole, ni même un souhait danniversaire. Elle décida de lignorer.
En rentrant du travail, elle découvrit, horrifiée, que la robe avait disparu.
Où est ma robe ? hurla-t-elle en entrant dans la cuisine, où Lila était étendue sur le lit de camp.
La jeune fille ignora la question, les yeux rivés sur son téléphone.
Tu mentends ? Élodie lui arracha lappareil des mains.
Rends-le ! glapit Lila, tandis que Théo accourait.
Quest-ce qui se passe ? Rends-lui son portable !
Où est ma robe ? gronda Élodie.
Jai rien pris, ricana Lila. Elle me déteste, cest tout !
Rends-le, tu mentends ? insista Théo.
Bien sûr, elle va avouer ! éclata Élodie, jetant le téléphone au sol.
Lécran se brisa. Lila éclata en sanglots. Élodie sortit, fière.
Il lui fallut vite trouver une autre tenue. Elle se changea et partit pour le café, décidée à oublier tout ça. Là-bas, elle prit sa décision : elle quitterait Théo.
Elle rentra à laube. Théo lattendait.
Tu vois lheure quil est ?
Tu veux jouer au mari sévère ? Trop tard. Cest fini. Elle marqua une pause. Demain, tu pars.
Donc cest de ma faute ? ironisa-t-il.
Tu as cassé le téléphone de Lila
Elle a volé ma robe !
Ma fille na rien pris ! Jen suis sûr !
Élodie haussa les épaules, refusant découter.
Pour se calmer, elle attrapa une bouteille de vin entamée dans le placard.
Elle en avala une gorgée et la recracha aussitôt.
Cest quoi, ça ? Du shampoing ? Tu vas me dire que cest encore moi ?
Elle éclata de rire, puis ouvrit la poubelle et sarrêta net.
Et voilà la robe ! Tu vas prétendre que cest moi aussi ?
Tu cherchais une excuse pour me quitter ! Je sais que tu en avais envie depuis longtemps ! cria Théo. Sans moi, tu laurais fait plus tôt !
Élodie le fixa, se souvenant de tout.
Jai mis un micro. Jai entendu tes conversations avec ta sœur. Je sais tout.
Quelle surprise ! Je me demandais comment tu savais pour notre rupture.
Cette fois, Théo ne tenta rien. Il comprit que cétait fini.
*Leçon du jour :* Certaines relations séteignent lentement, et parfois, il vaut mieux les laisser mourir.







