Puisque vous êtes si sûr que je suis une femme légère, alors dites à tous ceux qui sont réunis ici avec qui vous avez conçu votre fils ! Après tout, c’est vous qui m’avez révélé la vérité !

**Journal intime 15 mars**

Elle prétend que je suis une traînée ? Quelle dise alors à toute cette assemblée avec qui elle a conçu son fils ! Elle ma elle-même avoué la vérité, un soir où le vin avait parlé à sa place.

La voix de Matthieu était basse, presque suppliante. Il se tenait au milieu de la chambre, déjà vêtu de son costume sombre, ajustant nerveusement sa cravate parfaitement nouée. Élodie ne se retourna pas. Elle fixait son reflet dans le miroir, traçant avec une précision chirurgicale le contour de ses lèvres dun rouge bordeaux. La soie de sa robe moulante, dun noir profond, épousait ses courbes sans pudeur, tout en conservant une élégance stricte. Une tenue pour une femme qui connaît sa valeur. Une tenue pour la bataille.

*«Quest-ce qui ne va pas, Matthieu ?»* Sa voix était calme, lisse, sans la moindre trace dirritation. Cétait ce calme qui leffrayait le plus. Il était habitué à ses emportements, à leurs disputes suivies de réconciliations feintes. Mais cette sérénité glaciale était nouvelle. Étrangère.

*«Enfin tu connais maman. Elle pourrait le trouver un peu provocant.»* Il choisit le mot avec soin, évitant laccusation directe.

Élodie acheva son maquillage, reposa le rouge à lèvres et se tourna vers lui lentement. Un sourire froid jouait sur ses lèvres.

*«Ta mère trouverait une burqa provocante si cétait moi qui la portais. Tu as oublié son appel à tante Sophie la semaine dernière ? Quand elle chuchotait, assez fort pour que tu lentendes, que je «faisais de lœil» au voisin retraité ? Ce pauvre Monsieur Lefèvre, quatre-vingt-deux ans, qui me confond avec la factrice ?»*

Matthieu tressaillit, comme si elle lavait giflé. Il se souvenait. Il faisait semblant de chercher ses clés dans lentrée tandis que sa mère distillait son venin dans la cuisine. Ce soir-là, il avait simplement fermé les yeux. *«Sois plus forte que ça»*, lui avait-il dit.

*«Élodie, je ten prie. Cest son anniversaire. Cinquante-cinq ans. Passons juste cette soirée tranquillement. Pour moi. Ignore-la, daccord ?»*

*«Ignore-la.»* Cette phrase avait rythmé leurs deux dernières années. Ignorer les remarques sur ses talents culinaires devant les invités. Ignorer le livre *«Comment garder son mari»* offert pour leur anniversaire de mariage. Ignorer les sous-entendus, les regards en biais, les mensonges que Jeanne, sa belle-mère, répandait avec délectation dans toute la famille. Élodie avait ignoré. Elle avait avalé ses larmes, serré les dents. Pour lui. Pour Matthieu, quelle aimait et qui la regardait chaque fois avec des yeux de chien battu, déchiré entre sa mère et elle.

Mais quelque chose sétait brisé. Ce matin, peut-être, quand elle avait enfilé cette robe. Elle sétait regardée dans le miroir et avait compris quelle nen pouvait plus.

*«Daccord, mon chéri»,* murmura-t-elle avec une douceur trompeuse. *«Je ny prêterai aucune attention. Je serai charmante. Je sourirai à tes tantes qui me prennent pour une débauchée. Jembrasserai ta mère et lui souhaiterai longue vie.»*

Elle sapprocha de lui, ajusta un pli imaginaire sur sa veste. Il voulut lenlacer, mais son corps était raide comme une corde tendue.

*«Merci, ma chérie»,* souffla-t-il. *«Je savais que tu comprendrais.»*

Elle leva les yeux vers lui. Aucune chaleur dans son regard. Seul un calcul froid.

*«Je porterai même un toast. À la famille. À lhonnêteté. À la fidélité. Ta mère adorera.»*

Elle prit son sac, laissant flotter derrière elle le parfum âpre de son Chanel n°5. Matthieu sourit, aveugle à la menace dissimulée dans ses mots. Il ignorait quÉlodie ne venait pas pour capituler. Elle venait pour lexécution. Et elle ne serait pas la victime.

La salle du restaurant choisi par Jeanne croulait sous les dorures et un luxe ostentatoire. Lair était saturé de parfums entêtants, de laque et de plats trop riches. Étouffant. Les invités, des parents quÉlodie reconnaissait à peine, déposaient des fleurs et des sourires faux devant la jubilaire. Matthieu rayonnait, fier de sa mère, comme si cet anniversaire était aussi le sien.

Élodie jouait son rôle daccessoire silencieux. Dos droit, sourire poli, sous les regards glissants. Tante Sophie lança un coup dœil réprobateur à sa robe et chuchota à loreille de sa voisine. La femme dun cousin se rapprocha de son mari, comme pour le protéger de linfluence corruptrice dÉlodie.

Le poison injecté par Jeanne avait fait son effet. Élodie était lintruse. La dangereuse. Une femme aux mœurs douteuses, tolérée uniquement pour Matthieu. Et lui, son mari, son protecteur, ne voyait rien. Ou feignait de ne rien voir. Trop occupé à jouer le fils parfait.

Après le troisième plat, lanimateur, un homme replet à la voix tonitruante, frappa dans le micro.

*«Et maintenant, place à notre reine du jour, la magnifique Jeanne !»*

Des applaudissements. Jeanne se leva, resplendissante dans sa robe champagne. Son regard triomphant sattarda sur Élodie.

*«Chers amis, famille adorée»* Sa voix était rodée aux discours, veloutée, théâtrale. *«La famille est notre forteresse. Notre havre. Mais toute forteresse repose sur des fondations solides : lhonnêteté. La fidélité. La pureté des intentions.»*

Une pause calculée. Matthieu serra la main dÉlodie sous la table. Il croyait à un soutien. Elle y vit lordre dun geôlier : *«Tais-toi.»*

*«Les femmes sont le pilier de la famille»,* poursuivit Jeanne, une nuance dacier dans la voix. *«De leur sagesse dépend notre avenir. Je lève mon verre à ces valeurs immuables ! À lhonneur !»*

Les applaudissements furent polis. Certaines femmes baissèrent les yeux. Lanimateur, enflammé, enchaîna :

*«Et maintenant, la parole à notre belle-fille, Élodie !»*

Tous les regards se rivèrent sur elle. Elle se leva avec une grâce impassible, un verre à la main.

*«Chère Jeanne»,* commença-t-elle, dune voix claire qui couvrit le murmure de la salle. *«Merci pour votre sollicitude. Pour le soin que vous portez à la réputation de notre famille. Et à la mienne. Peu de belles-mères sinvestissent autant dans la vie de leur belle-fille.»*

Un silence perplexe. Jeanne plissa les yeux.

*«Votre toast à lhonnêteté était magnifique»,* reprit Élodie, plus dure. *«Je le relève. Car lhonnêteté, cest ce qui nous a tant manqué.»*

Un silence de plomb. Elle regarda Jeanne droit dans les yeux.

*«Puisque vous êtes si sûre que je suis une traînée, dites donc à tous ici présent avec qui vous avez conçu votre fils ! Car vous-même mavez avoué, un soir divresse, quil nétait pas de votre mari !»*

Le temps parut sarrêter. Le visage de Jeanne vira au pourpre, puis au gris. Elle porta une main à

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