**Mon journal intime**
*18 mars*
« Quoi, la mienne est pire que la tienne ? »
Elle a la varicelle ? Mais vous êtes fous ? Je suis enceinte !
Ne tinquiète pas ! Elle na plus de fièvre depuis trois jours. Le médecin a dit quelle nétait plus contagieuse.
Marine se tenait sur le seuil du salon. Elle recula de quelques pas, séloignant de ce mini-hôpital improvisé. Ils venaient darriver chez sa belle-mère depuis cinq minutes, et déjà, elle avait envie de fuir.
Sur le canapé, Sophie souriait comme si de rien nétait. À ses pieds, sa nièce de quatre ans, Chloé, en pyjama à licornes, sagitait sur le tapis. La petite était couverte de boutons, comme un léopard, mais vert.
Ne pas minquiéter ? Tu sais que je nai jamais eu la varicelle ? Que cest dangereux pour le bébé ? Pourquoi personne ne ma prévenue ? Marine se précipita vers la sortie.
Marine, voyons, vous êtes déjà là, dit Sophie dun ton conciliant, comme si cela devait calmer sa belle-sœur. Restez donc.
Si javais su, je ne serais jamais venue ! lâcha Marine en enfilant ses bottes.
Elle attrapa son manteau dehors, refusant de rester une seconde de plus. Pas question de prendre des risques à huit mois de grossesse. Son mari la suivit, tout aussi pressé.
Pendant le trajet du retour, Marine se reprocha amèrement davoir oublié à quel point sa belle-famille prenait la santé à la légère. Elle le savait, et pourtant, elle était venue.
La première fois, Sophie lavait surprise en amenant Chloé malade. Marine avait feint lindifférenceelle nétait pas enceinte, après tout. Mais ça ne lui avait pas plu.
Encore moins quand, deux jours plus tard, elle était tombée malade. Elle travaillait à distance, impossible dattraper le virus ailleurs. Résultat : fièvre, délais manqués, et une remontrance de son patron. Les commandes affluaient, et sa maladie tombait mal. Elle avait dû travailler malgré tout.
Désolée, avait haussé les épaules Sophie quand Marine lui en avait parlé. Qui aurait cru que ton système immunitaire était si faible ?
Comme si elle ny était pour rien. Comme si le problème venait de Marine. Ça, cétait ce qui lexaspérait le plus.
Sophie était négligente avec tout le monde. Elle envoyait souvent Chloé à la crèche enrhumée.
Ce sont des enfants. Si la mienne tousse, cest quils sont tous malades ! Je dois travailler, je nai pas le temps de marrêter, avait-elle rétorqué quand linstitutrice lavait grondée.
Sophie nen tirait aucune leçon. Pourquoi le ferait-elle ? Elle, ça ne la dérangeait pas. Ce sont les autres qui en pâtissaient.
Heureusement, Marine nattrapa pas la varicelle, et Théo naquit en bonne santé. Mais elle comprit quelle devait protéger son fils coûte que coûte. Alors, elle « oublia » la date de sortie de la maternité et nautorisa que sa mère à leur rendre visite.
Marine, comment va Théo ? Quand pourrons-nous le voir ? demandait Sophie, inquiète.
Je ne sais pas. Le pédiatre recommande de rester en quarantaine. Son système immunitaire est fragile, répondait Marine, nerveuse. Nous ne sortons même pas, alors les visites
Elle inventait nimporte quoi pour éviter les rencontres. Prétextes, mensonges, excusestout était bon pour tenir Chloé à distance.
Jusquau jour où Sophie débarqua sans prévenir. Marine ouvrit la porte par réflexe, et ce fut comme une avalanche. Chloé, le nez qui coule mais souriante, fila vers la chambre de Théo.
On passait prendre le thé, dit Sophie. Chloé tenait absolument à voir son petit cousin. Les enfants adorent jouer avec les bébés.
Marine leva un sourcil sceptique. Elle aurait bien expulsé Sophie et Chloé, mais elle se retint. Même si son instinct maternel hurlait le contraire.
Chloé est encore malade ? demanda Marine, les bras croisés.
Les enfants sont toujours malades, bafouilla Sophie. Ce nest rien, juste une allergie. Dailleurs, cest comme ça quils renforcent leurs défenses.
Bien sûr répliqua Marine, méfiante.
Elle raccompagna Sophie une demi-heure plus tard, prétextant quils devaient « aller chercher papa ». Mais cela ne suffit pas. Deux jours plus tard, Théo avait quarante de fièvre et des convulsions. Cette nuit-là fut un cauchemar. Marine se maudit de ne pas avoir fermé la porte.
Elle craqua.
Ça suffit. Plus jamais. Plus de Chloé malade ici, déclara-t-elle à son mari.
Marine, ce nest pas la faute de Chloé tenta-t-il.
Je sais. Mais rien quen la voyant, jai des tics nerveux. Cest une infection ambulante. À chaque fois, on tombe malades après.
Il garda le silence. Elle vit quil nétait pas daccord, mais elle sen moquait. Elle en avait assez davoir peur pour Théo.
Pourtant, couper les ponts était impossible. Ils pouvaient éviter Noël, le 8 mars, mais interdire à Sophie de venir pour lanniversaire de Théo ? Difficile.
Jai invité maman et Sophie, annonça son mari la veille. Elles arrivent vers 17h.
Marine, en train de faire la vaisselle, se figea. Elle toisa son mari, furieuse.
Je tavais dit : pas dinvitations !
Marine, arrête. Ce sont nos proches. Jai vérifié, Chloé nest pas malade. Et puis, comment leur refuser ? Ta mère vient demain ! Les miennes sont moins bien que les tiennes ? Des pestiférées ?
Marine serra les lèvres mais ne répondit rien. Une décision pareil se prend à deux, mais bon, elle céderait. Peut-être que les choses avaient changé ?
Erreur.
Cette fois, Chloé ne toussait pas, mais elle était maussade, à lécart, silencieuse. Inhabituel.
Elle va bien ? murmura Marine.
Elle avait mal à la gorge ce matin, mais je lui ai donné un médicament, ça va mieux, répondit Sophie.
Marine respira profondément pour ne pas crier. Mais elle ne put se taire.
Sophie, tu nous as assez gâchés avec ta fille malade. À chaque visite, on finit chez le médecin.
Oh ! Laisse-le tomber malade, rétorqua Sophie. De toute façon, il attrapera tout à lécole. Au moins, il sera immunisé.
Marine la dévisagea, stupéfaite.
Je dois te dire merci ?
Pas merci, mais tu exagères. Tous les enfants tombent malades, cest normal.
Pas pour moi. Oui, ils tombent malades, mais pas question de séchanger les microbes avec joie.
La fête était gâchée. Personne ne quitta la table, mais lambiance était tendue. Et trois jours plus tard, Marine était de nouveau penchée sur Théo, fiévreux.
On aurait cru que ça sarrêterait là. Que son mari comprendrait enfin. Mais non.
Le 30 décembre, il rentra furieux, éjecta ses clés sur la table et senferma au salon.
Tout va bien ? demanda Marine.
Ne viens pas près de moi, prévint-il. Reste avec Théo. Jétais chez Sophie. Elle ma demandé de laider à monter un vélo pour Chloé.
Un silence. Marine savait déjà.
Et alors ?







