Je voulais simplement me faire une amie

**Journal intime 15 novembre**

« Vicky sentendait tellement mieux avec ma mère, tu sais.
Écoute, si je me mets à énumérer toutes les façons dont mon ex était meilleur que toi, on va tous les deux rougir de honte. Enfin, pour toi, jen suis sûre. Pour moi, cest moins certain, » coupa sèchement Élodie en frottant la table de la cuisine avec plus de force que nécessaire. « Si tout allait si bien entre Vicky et toi, pourquoi las-tu quittée, alors ? »

Antoine se détourna, vexé, les sourcils froncés tandis quil fixait la fenêtre.

« Tu connais lhistoire
Justement. Alors épargne-moi tes éloges sur ta chère Vicky, » répliqua Élodie. « Sinon, je deviendrai ta prochaine ex. »

Elle était sérieuse. Prête à prendre des mesures radicales.

Elle avait rencontré Antoine il y a près dun an, dans un cercle damis communs. Elle connaissait dailleurs cette fameuse Vicky, sans être proche delle. Cétait elle qui avait présenté Antoine au groupe. Puis, quelques mois plus tard, Vicky avait disparu des radars.

Un soir, après un verre de trop, Antoine lui avait avoué lavoir quittée après lavoir surprise en train de le tromper. Il avait même versé une larme. À lépoque, Élodie avait trouvé ça touchant : un homme qui navait pas peur de montrer ses sentiments, qui tenait à lamour. Quelque chose en elle sétait déclenché lenvie de le réconforter.

Maintenant, elle comprenait que ce « quelque chose » ressemblait davantage à un instinct maternel quà une attirance romantique. Mais sur le moment, ça avait suffi pour quune relation naisse entre eux.

Au début, tout était charmant. Il lattendait après le travail, la raccompagnait chez elle, lui envoyait des messages doux chaque jour, sinquiétait de savoir si elle sétait habillée assez chaudement. Elle se sentait choyée.

Le premier signal dalarme avait retenti quand Vicky lui avait écrit.

« Salut. Écoute, jai appris que tu sortais avec Antoine. Ce nest pas mes affaires, mais fais attention. Lui et sa mère, cest un duo inséparable. »

Élodie avait pris note, sans trop sen soucier. Lamour surmonte bien pire, non ? Après tout, si ça navait pas marché avec une femme, ça ne signifiait pas que ce serait la même chose avec une autre.

« Salut. Je pense quon saura gérer ça. Mais merci pour lavertissement. »

Elle navait pas voulu poursuivre la conversation. Ça lui semblait déloyal envers Antoine.

Lui, en revanche, ne se préoccupait guère de son confort.

Quand sa mère, Marguerite, était arrivée chez eux sans prévenir, Élodie avait tenté de rester calme. Peut-être ne réalisait-il pas combien cétait gênant ? Marguerite devait sinquiéter pour son fils, vouloir voir avec qui il vivait.

Elle avait envoyé Antoine laccueillir, sétait habillée à la hâte, avait attaché ses cheveux en queue-de-cheval et était sortie, encore ensommeillée, les cernes marqués, pour faire connaissance avec sa future belle-mère. Celle-ci inspectait déjà les tiroirs du buffet du salon.

« Tout est en désordre, » remarqua Marguerite avec un sourire condescendant. « Bientôt, vous ne retrouverez plus vos chaussettes par paires. Élodie, après le petit-déjeuner, je tapprendrai à plier le linge correctement. »

Pas un « bonjour ». Élodie était déconcertée. Voir une étrangère fouiller dans ses affaires chez elle lui semblait dune impolitesse crasse. Mais répondre par de la rudesse dès le début des relations lui paraissait malvenu. Alors elle serra les dents.

« Ma pauvre, tes cernes ! » continua Marguerite avec compassion. « Tu devrais essayer des masques au concombre. Ou mieux, faire vérifier tes reins. Une de mes amies »

Élodie souriait, hochait la tête, feignait de sintéresser aux maux dinconnus. En réalité, elle rêvait de retourner au lit il était à peine huit heures du matin, un dimanche. Elle sétait couchée tard la veille, comptant faire la grasse matinée.

Vaines illusions.

La visite de Marguerite dura jusquau soir. Élodie essuya une pluie de critiques et de conseils sur larrosage des plantes, le nettoyage de la baignoire, le polissage des cuillères. Elle eut même droit à une démonstration pratique. Épuisée, elle attendit en vain quAntoine intervienne pour la soulager ou suggère à sa mère de les laisser se reposer.

« Ta mère est toujours aussi énergique ? » demanda Élodie ce soir-là, prudente.

Elle aimait lidée dune famille proche, mais une certaine distance lui semblait nécessaire.

« Ouais, et alors ? Elle veut juste être ton amie, » répondit Antoine en haussant les épaules. « Avant, on vivait chez elle, Vicky et moi. Cétait animé. Maintenant, elle sennuie.
Jespère quon ne finira pas à trois sous le même toit » soupira Élodie.
Quel est le problème ? Tu naimes pas ma mère ? » sirrita-t-il. « Vicky sentendait très bien avec elle. »

Élodie se tut. Vicky avait huit ans de moins quelle et un talent pour flatter les gens. Bien sûr quelles sentendaient. Elle devait connaître toutes les amies de Marguerite par leur prénom et leurs pathologies, repasser le linge à la perfection et cuisiner des tourtes selon ses recettes.

Mais Élodie navait pas signé pour ça. Elle avait assez vécu pour savoir quen amour, moins il y a dinterférences, mieux cest. Antoine, lui, pensait autrement.

« Ma mère est très sociable. Elle sentend avec tout le monde. »

« Sauf que tout le monde napprécie pas, » aurait voulu rétorquer Élodie. Elle se retint.

Les choses empirèrent. Marguerite revint le lendemain matin, tôt, pour inspecter le frigo.

« Des œufs de poule ? Je ne cuisinais que des œufs de caille pour Antoine, cest meilleur pour les hommes, » déclara-t-elle avec suffisance. « Vos étagères ne sont pas très propres Vous mangez ce qui traîne là-dessus. Élodie, il faudrait les laver »

« Je ne mange pas directement sur les étagères, » pensa-t-elle.

« Je men occuperai plus tard, Marguerite. On voulait se reposer aujourdhui. Cest dimanche »

Antoine, bien sûr, dormait encore, laissant Élodie jouer les hôtesses malgré elle.

« Justement ! Le dimanche, cest fait pour cuisiner et nettoyer, » trancha Marguerite. « Prends ton éponge. Dimanche prochain, je tapprendrai à faire la tourte à la viande, comme Antoine ladore. À se lécher les doigts ! »

Élodie se figea, les bras croisés. Elle nallait pas se plier à ses exigences un deuxième jour de suite.

« Marguerite, peut-être pourriez-vous mappeler avant de passer ? Jai peut-être des projets dimanche prochain.
Téléphoner ? Je ne suis plus libre de rendre visite à mon fils ? » soffusqua-t-elle.
Bien sûr que si. Mais il vit avec une femme maintenant. Ce serait bien que tout le monde respecte les limites des autres.
Avec Vicky, on navait pas ce genre de problèmes, » rétorqua Marguerite en grimacant.
La mère de mon ex ne dé

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