JE SUIS TOMBÉ AMOUREUX D’UNE FEMME DOUCE ET RÉCONFORTANTE : ET ALORS, QU’ON EN PARLE !

Il était une fois, dans un petit village de Provence, un homme qui séprit dune femme au cœur tendre.

Tu me quittes pour cette paysanne ? sétonna ma femme, la voix tremblante.
Ne lappelle pas ainsi, sil te plaît, Élodie. Tout est décidé, Isabelle. Pardonne-moi. Je rassemblais mes affaires en hâte.
Jespère que tu vas vite revenir à la raison. Ça ne peut pas finir ainsi. Tes collègues, nos voisins, tous vont se moquer de toi. Regarde sur qui tu jettes ton dévolu ! Une simple femme des champs, sans fard ni sophistication. Que dirons-nous aux enfants ? Que leur père, un homme distingué, a fui vers une fermière ? Les doigts dIsabelle agrippaient nerveusement son mouchoir.

Les enfants ? Dieu merci, ils sont grands. Bientôt, Sophie songera au mariage, et Julien suit déjà son propre chemin, glissant et incertain. Nous ne sommes plus leurs modèles. Quant aux voisins, aux collègues, aux inconnus Leur opinion mimporte peu. Ma vie mappartient. Je népie pas les alcôves des autres, moi.

Je tentais de la convaincre avec douceur, en vain. Lorsquun couple se brise, la douleur est insoutenable pour les deux.
Isabelle fixait la fenêtre de la cuisine, le regard vide. Pas une once de pitié ne me traversait. Mon âme était un désert.

Isabelle était ma troisième épouse. Quand je lavais croisée pour la première fois, mon cœur avait tressailli, mon âme sétait ouverte à un bonheur inconnu. Belle, soignée, pleine dassurance. Moi aussi, javais mes atouts on me comparait parfois à un jeune Alain Delon. Les femmes tombaient facilement sous mon charme. Mais jeune, je memballais trop vite : je tombais amoureux, me mariais, puis, las de la routine conjugale, je menfuyais. Seule Isabelle mavait donné des enfants.

Javais cru quelle serait mon dernier refuge, mon ancre. Hélas Une femme, comme un melon, ne se juge pas à lécorce. Avec les années, notre amour, jadis tendre et sucré, sétait ratatiné comme un fruit sec. En public, nous jouions les époux modèles, la famille irréprochable. Les voisins nous admiraient ou nous méprisaient ? murmurant dans notre dos. Nous passions devant eux, dignes, comme sur un tapis rouge.

Mais derrière la porte close, tout changeait.

Dabord, Isabelle nétait pas une maîtresse de maison. Le frigo toujours vide, le linge sentassant, la poussière dans chaque coin. Pourtant, elle arborait un maquillage impeccable, des ongles vernis, une coiffure soignée. Elle croyait que le monde devait tourner autour delle. Elle se laissait aimer, comme une reine condescendante. Les portes de son cœur étaient verrouillées, même pour nos enfants.

Ma mère vivait avec nous. Longtemps, elle avait supporté en silence ce désordre. Puis elle avait agi avec sagesse, apprenant discrètement à Sophie et Julien à cuisiner, à tenir une maison. Les enfants sétaient éloignés dIsabelle, préférant laffection de leur grand-mère.

Isabelle interdisait tout contact avec les voisins, quelle jugeait vulgaires. Elle-même ne leur adressait quun froid « bonjour ».

Les premières années, je ne voyais rien de tout cela. Jaimais, je vivais, heureux de chaque journée. Sophie était une élève brillante ; Julien, un cancre impénitent. Comment deux enfants, élevés de la même manière, pouvaient-ils être si différents ? Nous narrivions pas à le remettre sur le droit chemin. Il refusait détudier. En grandissant, il en vint à détester Sophie pour son application. Parfois, je devais les séparer lors de leurs disputes.

Cétait dans les années 90.

Julien, après le lycée, disparut. Trois ans sans nouvelles. Nous le pensions mort. Ma mère, jetant un regard noir à Isabelle, murmurait :

Le cheval ne tombe que si la mère la mal monté.

Isabelle senfermait alors dans la salle de bains, pleurant en silence.

Puis, un jour, Julien revint, méconnaissable. Mince, marqué par la vie, couvert de cicatrices. Il ramenait une épouse aussi abîmée que lui, au regard vide. Nous les accueillîmes avec crainte. Julien nous observait en coin, méfiant, tendu.

Sophie, elle, quitta la maison pour vivre avec un homme violent. Elle revenait couverte de bleus, niant ses souffrances.

Lâche-le, ma chérie, suppliait ma mère. Un jour, il te tuera.

Non, grand-mère, Théo maime. Je suis juste maladroite

Elle navait plus rien de la première de la classe dautrefois.

Et puis, moi, vieillissant, je tombai amoureux. Je ne my attendais pas. Après le travail à lusine, je traînais dans les rues pour éviter la maison, les disputes, les reproches.

À la cantine de lusine, il y avait Élodie, la cuisinière. Joyeuse, simple, généreuse. Je ne lavais jamais remarquée, cette femme aux joues roses, au rire clair comme une source en avril. Elle plaisantait toujours, répandant la bonne humeur. Peu à peu, je mattachai à elle.

Elle était mon opposé : cheveux relevés en chignon maladroit, ongles courts, sans fard juste un peu de rouge à lèvres orangé. Mais elle rayonnait de chaleur, de bonté. Chez elle, lodeur des tartes embaumait lair. Son frigo regorgeait toujours de soupes, de plats mijotés. Elle nourrissait les voisins, les amis.

Je commençai à lui faire la cour, offrant des fleurs, linvitant au cinéma. Elle résista dabord :

Louis, tu me plais, mais tu as une femme. Et tes enfants ? Je ne veux pas briser une famille.

Je restai indécis, comme tant dhommes qui hésitent à franchir le pas. Parfois, je passais la nuit chez elle. Isabelle finit par tout découvrir, hurlant des insultes, menaçant de se suicider.

Six mois plus tard, je partis vivre avec Élodie. Elle exigea un divorce officiel. Je mexécutai.

Aujourdhui, je ne regrette rien. Sophie et Julien nous rendent visite. Élodie les nourrit de plats réconfortants. Sophie a quitté Théo. Julien, apaisé, va devenir père. Élodie les a réconciliés :

Vous êtes du même sang. Restez unis.

Ma mère est morte. Isabelle a vieilli, perdant toute sa superbe. Elle me fuit. Nous habitons à deux rues lun de lautre.

On me jugera peut-être. Mais cest ma vie. Je nai de comptes à rendre à personne.

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