Maintenant, cest ma chambre déclara la belle-sœur en jetant mes affaires dans le couloir.
Élodie, tu penses vraiment quon peut manger cette soupe ? fit Laurine en grimaçant, remuant la cuillère dans le liquide trouble de son assiette. Les pommes de terre ne sont même pas cuites.
Mange, cest tout ce quil y a, répondit Élodie, épuisée, sans lever les yeux. On nest pas au restaurant.
Je ne cherche pas la petite bête. Mais après le travail, jaimerais un vrai repas. Chez maman, il y avait toujours une bonne soupe à loignon quand papa rentrait.
Élodie serra les lèvres. Ça recommençait. Laurine vivait chez eux depuis six mois, depuis son divorce, et chaque jour trouvait une raison de se plaindre : la soupe trop froide, la poussière dans lappartement, la télévision trop forte.
Laurine, si ça ne te plaît pas, tu peux cuisiner toi-même, dit Élodie en posant son assiette dans lévier. Personne ne ten empêche.
Et quand est-ce que je dois cuisiner ? Je finis à 19h, et il me faut une heure et demie pour rentrer.
Et moi, je dois jouer les bonnes à tout faire ?
Thomas, le mari dÉlodie, entra dans la cuisine, les cheveux en bataille après une sieste, vêtu dun t-shirt froissé.
Les filles, encore en train de vous disputer ? Il bâilla en sétirant. On vous entend dans tout lappartement.
On ne se dispute pas, Laurine sourit à son frère dun air angélique. On parlait juste du dîner.
Élodie lança un regard à sa belle-sœur. Comme elle changeait de ton dès que Thomas apparaissait ! Une vraie comédienne.
Thom, tu ne pourrais pas parler à la régie pour le chauffage ? continua Laurine. Dans ma chambre, il fait un froid de canard.
Thomas se gratta la nuque.
Cest pareil pour tout limmeuble. Cest lhiver.
Mais peut-être quon peut faire quelque chose pour les radiateurs ?
Élodie rangea la vaisselle en silence. *»Ma chambre»*. Comme cétait facile pour Laurine de sapproprier le salon. Ils avaient pourtant convenu quelle ne resterait quun mois, le temps de trouver un logement.
Élodie, où est la couverture ? demanda Laurine. La bleue, celle qui était sur le canapé ?
Au lavage, répondit sèchement Élodie.
Quand est-ce quelle sera sèche ? Jai froid.
Demain.
Et ce soir, je fais comment ?
Élodie se tourna vers elle. Laurine avait cet air de petite fille désemparée qui attendrissait tant les hommes.
Il y a dautres couvertures. Dans le placard.
Où exactement ? Je ne sais pas où vous rangez vos affaires.
Élodie alla en chercher une dans la chambre.
Tiens.
Merci beaucoup. Et celle-là, on peut ne pas la laver ? Au cas où jen aurais encore besoin.
Laurine, on a une machine à laver. On fait régulièrement la lessive.
Laurine serra la couverture contre elle.
Bien sûr, je comprends. Chez nous, on avait toujours deux jeux de tout.
Élodie sentit une boule se former dans sa gorge. Encore une allusion à son niveau de vie supposément inférieur.
Thom, tu nas pas pensé à demander une augmentation ? Laurine sassit près de son frère sur le canapé. Chez moi, un collègue a eu 500 euros de plus.
Thomas haussa les épaules, mal à laise.
Je ne suis pas ton collègue.
Mais tu pourrais essayer. Avec linflation, on doit faire attention.
Élodie préféra quitter la pièce avant de dire ce quelle pensait. Elle alla dans la salle de bains et fit couler leau pour couvrir leurs voix.
Derrière le mur, Laurine murmurait à Thomas, maniant la persuasion comme une arme. Tout ce quelle demandait semblait raisonnable. Tout ce quÉlodie refusait paraissait capricieux.
Une demi-heure plus tard, Thomas frappa à la porte.
Élodie, viens. On doit parler.
Elle essuya ses mains et sortit. Laurine, rayonnante, était assise dans le salon. Thomas avait lair coupable.
Quest-ce quil se passe ? demanda Élodie.
On a discuté avec Laurine commença-t-il. Elle a vraiment froid dans le salon. Notre chambre est mieux chauffée.
Un frisson parcourut Élodie.
Et donc ?
On pourrait échanger, temporairement ? Laurine prendrait la chambre, et nous, le salon.
Tu es sérieux ?
Réfléchis. Nous, on est jeunes, en bonne santé. Laurine est fragile depuis le divorce.
Élodie regarda sa belle-sœur. Elle baissait les yeux, mais un sourire narquois se dessinait sur ses lèvres.
Cest notre chambre, Thom. Notre lit, nos affaires.
Ce ne sera que temporaire. Le temps quelle trouve un appartement.
Elle cherche vraiment ?
Laurine releva la tête.
Bien sûr ! Mais les prix sont exorbitants.
Combien de temps ça va prendre ?
Un mois ou deux. Pas plus.
Élodie savait que cela signifiait au moins six mois.
Thom, parlons en privé, dit-elle.
Ils allèrent dans la cuisine et fermèrent la porte.
Tu réalises ce que tu demandes ? chuchota Élodie. Cest notre appartement.
Je sais. Mais cest ma sœur. Elle est en difficulté.
Et moi, je ne compte pas ?
Ne dis pas de bêtises. Elle traverse une dépression.
Et moi ? Je vis comme une étrangère chez moi depuis six mois. Je ne peux même pas regarder la télé sans quelle râle. Je fais la cuisine et le ménage pour trois.
Tu exagères.
Non. Et maintenant, tu veux lui donner notre chambre ?
Thomas se frotta le front.
Cest temporaire.
Et après ? Elle va prendre tout lappartement ?
Ne sois pas égoïste.
Élodie en eut le souffle coupé.
Égoïste ? Parce que je refuse de céder ma chambre ?
Chut, elle va entendre.
Quelle entende ! Cest chez moi, jai le droit de parler !
On frappa à la porte.
Je peux entrer ? Laurine avait une voix doucereuse.
Thomas ouvrit.
Désolée de vous interrompre, dit-elle. Je ne veux pas de disputes. Je peux aller chez une amie.
Non, Laurine, intervint Thomas. On va régler ça.
Élodie comprit quelle avait perdu. Laurine savait jouer de la culpabilité, et Thomas tombait toujours dans le panneau.
Daccord, capitula Élodie. Prends la chambre.
Vraiment ? sexclama Laurine. Merci ! Je ferai attention, promis.
Le lendemain, pendant quÉlodie était au travail, Laurine avait déjà déménagé. En rentrant, Élodie trouva ses affaires entassées dans des cartons.
Laurine, cest quoi ça ? demanda-t-elle, voyant ses vêtements jetés en vrac.
Tes affaires, répondit Laurine depuis lancienne chambre dÉlodie. Javais besoin de la penderie.
On avait dit temporaire.
Justement. Mais il faut bien ranger mes affaires.
Élodie ouvrit la porte de la chambre. Les crèmes et parf







