Elle aspire à la liberté pour sa retraite, et nous ne nous y opposons plus.

Elle rêvait d’une retraite libre et insouciante, et nous avons cessé de nous y opposer.
Ma belle-mère désirait une existence large une fois à la retraite désormais, nous ne la dérangeons plus.

Parfois, la vie réserve des tournants si imprévisibles quon en perd le fil entre réalité et cruelle ironie du sort. Jamais je naurais cru quaprès douze ans de vie commune sous le toit de ma belle-mère, alors que tout semblait paisible et établi, notre famille se retrouverait confrontée à un dilemme brutal : payer ou partir.

À lépoque, peu après notre mariage, Margaux Laurent nous avait proposé, à mon mari et moi, demménager dans son vaste trois-pièces en plein cœur de Lyon, tandis quelle sinstallait volontiers dans mon modeste studio à Villeurbanne. Nous étions aux anges : habiter en centre-ville, dans de bonnes conditions, avec laccord de ma belle-mère quel bonheur pour un jeune couple !

Nous avions investi largent des noces dans des rénovations : des sols aux murs, tout était neuf, avec une cuisine moderne, une salle de bains refaite, un parquet rutilant et un réaménagement astucieux. Ma belle-mère venait admirer notre travail, les yeux brillants. « Cest splendide ici ! », « Vous avez fait un travail remarquable ! » les compliments pleuvaient à chacune de ses visites. En retour, nous avions pris en charge toutes ses charges locatives. Soulagée, elle nous remerciait souvent, avouant même que sa pension lui permettait désormais dépargner. Et franchement, durant toutes ces années, nous navions jamais douté de notre arrangement.

Puis vinrent les enfants : dabord un garçon, puis une fille. Avec une famille grandissante, nous avons commencé à rêver dun vrai foyer. Nous avons économisé pour un logement plus spacieux, car un quatre-pièces semblait hors datteinte. Nous nen avions pas parlé à Margaux, espérant aborder la question en temps voulu avec douceur.

Tout bascula à sa retraite. Leuphorie de la liberté céda vite la place aux lamentations : « Comment survivre avec une pension si maigre ? », « Ce gouvernement se moque bien des retraités ! » Nous faisions notre possible : courses, médicaments, menus services. Jusquà ce jour où, autour dun café, elle lâcha une phrase qui glaça le sang de mon mari.

« Mon chéri, après tout, vous vivez dans mon appartement. Et si nous parlions dun loyer ? Disons mille deux cents euros par mois ? »

Mon mari resta interdit. Il mit un moment à réaliser. Puis il répondit dune voix tremblante :

« Maman, tu es sérieuse ? Nous payons déjà tes charges, tes courses, ta vie ne te coûte presque rien. Et tu exiges un loyer ? »

Sa réaction fut sans appel :

« Dans ce cas, échangeons à nouveau ! Je veux récupérer mon bien ! »

Nous comprîmes : cétait du chantage. Brutal, cynique, et profondément ingrat. Mais ce quelle ignorait, cest que nous avions déjà de quoi financer lapport pour notre propre logement. Nous lécoutâmes en silence, puis, ce soir-là, nous prîmes notre décision : cela ne pouvait plus durer.

Quelques jours plus tard, nous sommes venus avec une tarte aux pommes non pour nous excuser, mais dans lespoir quelle reviendrait sur sa décision. Dès que la conversation toucha au sujet, elle lança :

« Alors, cest oui ? Ou vous préférez vous entasser ici ? »

Notre patience atteignit ses limites.

« Margaux, dis-je calmement, nous ne nous entasserons nulle part. Vous récupérez votre appartement, et nous, nous prenons notre envol. »

« Et avec quel argent, je te le demande ? »

Mon mari la coupa :

« Nous nous débrouillerons. Ce nest plus ton affaire. Mais souviens-toi, maman, cest toi qui as choisi. Tu voulais vivre seule dans ton trois-pièces ? Eh bien, tu lauras. »

Tout alla vite. Nous trouvâmes un logement, souscrivîmes un prêt, puisâmes dans nos économies et vendîmes mon studio pour alléger les mensualités. Trois semaines plus tard, nos cartons étaient bouclés.

Aujourdhui, Margaux est de retour dans son appartement rénové à nos frais celui quelle adorait tant jusquà réaliser quelle y vivrait seule. Elle se plaint désormais aux voisins du « travail bâclé » et des « enfants ingrats », paie ses factures elle-même, porte ses sacs de courses et découvre enfin lamertume dune retraite sans soutien.

Quant à nous, nous vivons dans un quatre-pièces un peu étroit, mais libres. Moralement et physiquement. Plus de comptes à rendre, plus de craintes face à ses caprices. Nous avons tourné la page.

Comme dit le proverbe : « On récolte ce que lon sème. » Sauf que cette fois ce nest pas nous qui en payons le prix.

Оцените статью
Elle aspire à la liberté pour sa retraite, et nous ne nous y opposons plus.
Erreur