**Journal de Luc Dumont 12 octobre**
Ce matin, encore une fois, jarrivais en retard à lécole. Mon cartable sautait sur mon dos tandis que je traversais le parking du supermarché, espérant gagner du temps en coupant par là. Madame Lefèvre, ma maîtresse, mavait prévenu : un autre retard, et elle appellerait mes parents.
Mais en passant devant une berline grise garée au soleil, je marrêtai net. À lintérieur, un bébé, attaché à son siège, le visage rouge et trempé de larmes. Ses pleurs étouffés par les vitres fermées, la sueur perlant sur son front. Les portières étaient verrouillées, aucun adulte en vue.
Mon cœur semballa. Je frappai à la vitre, espérant voir quelquun arriver. Rien. Je courus autour de la voiture, tentant chaque poignée : rien. La panique menvahit alors que les pleurs du nourrisson faiblissaient, devenant des gémissements épuisés.
Je regardai autour de moi. Le parking était désert. Lécole nétait quà quelques rues, mais lidée dabandonner ce petit me retourna le ventre. Je savais que chaque seconde comptait.
Les mains tremblantes, je ramassai une pierre au bord du trottoir. Mes bras frêles se tendirent tandis que je la levais. « Désolé, madame la voiture », murmurai-je, avant de la lancer de toutes mes forces. La vitre se fissura, craquelant comme une toile daraignée, avant de voler en éclats.
Jenfonçai mon bras, desserrai les sangles et sortis délicatement le bébé, le serrant contre moi. Sa peau moite collait à mon tee-shirt. « Tout va bien, tu es en sécurité », chuchotai-je en le berçant.
Un cri perçant déchira lair : « Quest-ce que tu fais à ma voiture ?! »
Une femme accourut, laissant tomber ses sacs de courses. Ses yeux sécarquillèrent devant la vitre brisée et moi, tenant son enfant. Puis, comprenant, sa colère se transforma en effroi. « Mon Dieu je nétais partie que dix minutes » balbutia-t-elle, arrachant le bébé à mes bras pour lembrasser. Des larmes coulaient sur ses joues. « Merci, merci »
Avant que je puisse dire un mot, la cloche de lécole retentit au loin. Mon estomac se noua. Sans un mot, je partis en courant.
Jarrivai en classe, essoufflé, les cheveux collés au front, les mains égratignées. Madame Lefèvre me fixa, les bras croisés. « Luc Dumont, encore en retard. »
Tous les regards se tournèrent vers moi. Jouvris la bouche, mais les mots me manquèrent. Comment expliquer sans paraître menteur ? « Je je suis désolé, madame. »
« Cen est assez, dit-elle. Jappellerai tes parents cet après-midi. »
Je baissai la tête, brûlant de honte. Aucun applaudissement. Aucun merci. Je massis en silence, contemplant les coupures sur mes mains. Peut-être avais-je eu tort ?
À la récréation, certains se moquèrent, dautres mignorèrent. Je gardai le silence, limage du bébé rougeoyant dans mon esprit. Je referais la même chose, même si personne ne me croyait.
Mais ce que jignorais, cest que la femme avait suivi mes pas jusquà lécole.
Cet après-midi, avant la sortie, la porte souvrit. Le directeur entra, suivi de la femme et de son bébé, endormi dans ses bras.
« Madame Lefèvre, nous avons quelque chose dimportant à partager. »
La femme sapprocha, la voix tremblante. « Ce garçon a sauvé la vie de mon fils. Je lavais laissé dans la voiture, pensant que ce ne serait que quelques minutes. Une terrible erreur. Luc a brisé la vitre et la sorti. Sans lui » Sa voix se brisa.
Un silence stupéfait tomba sur la classe. Madame Lefèvre sagenouilla devant moi. « Pourquoi nas-tu rien dit ? »
« Je pensais que vous ne me croiriez pas. »
Sa voix sadoucit. « Tu nous as rappelé ce quétait le vrai courage. »
Des applaudissements éclatèrent. « Héros ! » lancèrent certains. La femme membrassa le front. « Tu feras toujours partie de notre histoire. »
Ce soir-là, mes parents mont serré fort, fiers.
Au lit, une certitude mhabite : parfois, faire le bien signifie affronter lincompréhension. Mais la vérité finit toujours par éclater.
Et pour un garçon qui se croyait « toujours en retard », jai compris quau moment crucial, jétais arrivé exactement à temps.







