La Cousine Pauvre

Et mon cadeau, alors ? Je ne suis plus une femme, peut-être ?
Franchement ? Pour moi, vous êtes une invitée indésirable. Que votre fille vous offre des cadeaux, si elle veut.

Le cœur dÉlodie se serrait dangoisse, mais pour la première fois, elle disait à sa tante tout ce quelle pensait delle. Dommage que cela tombe un jour de fête.

Sa mère, Sophie, se tenait dans lentrée, un bouquet de roses rouges dans les bras et un flacon de parfum neuf à la main. Un vrai parfum, authentique. La tante, elle, bloquait lentrée de la cuisine, sombre comme un nuage dorage, et tout aussi imposante.

Colette balbutia Sophie en regardant sa sœur dun air désemparé. Elle est venue voir maman, cest tout
Et moi, je ne compte pas ? rétorqua Colette en plissant les yeux vers sa nièce comme si elle était une ennemie.
Vous exagérez. Même un vide serait préférable. Au moins, il ne réclame rien et fait moins de bruit, riposta Élodie.
Quelle éducation ! Quelle insolente tu as élevée, Sophie ! lança Colette en passant devant elles avec un regard méprisant. Tant pis. Je ne veux pas participer à ce cirque.

Sophie pressa doucement le pied dÉlodie, un regard sévère dans les yeux. Elle avait toujours joué les pacificatrices dans la famille, tolérant les caprices de sa sœur.

Mais Élodie et son père, eux, navaient pas cette patience.

Colette navait jamais vraiment participé à la vie dÉlodie. Et surtout, elle était dune avarice rare. À la Scrooge, dans *Un chant de Noël*. Élodie savait depuis lenfance : espérer un cadeau de tante Colette, cétait comme croire au Père Noël après trente ans.

Parfois, elle apportait bien quelque chose. Mais cétait toujours du genre « tiens, prends ça, cest bon pour toi ».

À quatre ans, Élodie avait reçu une lampe en forme de lèvres rouges. À six ans, une statuette écaillée dun crapaud porte-bonheur avec une patte cassée. Des chaussettes pour homme, des coffrets de douche périmés, un linge de lit défraîchi avec des poussins de dessin animé Elle avait tout connu.

Une fois, Colette avait même débarqué avec un chaton sale et à moitié chauve, visiblement ramassé dans la rue. Ses parents lauraient jeté dehors sans les larmes dÉlodie. Finalement, ils avaient prétendu le donner à des amis mais dix ans plus tard, son père lui avait avoué la vérité : le chaton était mort, malgré leurs efforts. Une histoire qui avait laissé un goût amer.

Même les amies dÉlodie connaissaient lavarice de Colette. Un soir, elles étaient allées récolter des bonbons chez les voisins et chez elle. Colette avait passé dix minutes à fouiller la maison avant de leur tendre un sachet de vieux bonbons moisis.

Beurk, cest dégueulasse ! avait grimacé une copine en crachant le « cadeau ». On dirait que ta tante a voulu nous empoisonner.

Ces bonbons battaient tous les records : recouverts dune poudre blanchâtre, avec des grains de café amers à lintérieur. Visiblement, ils traînaient dans un placard depuis des années.

Élodie avait honte. Pourtant, ce nétait pas sa faute.

Les années navaient rien arrangé. Quand Colette venait pour les fêtes et elle venait presque toujours , elle arrivait les mains vides mais repartait avec des sacs et des tupperwares.

Oh, mets-moi un peu de ta tarte, sil te plaît, suppliait-elle Sophie. Pour Amélie et Vincent, ils nont pas pu venir. Et de la viande aussi, si tu as. On nen a pas mangé depuis un mois Les prix sont devenus fous.

Sophie était ravie.

Ça te plaît ? souriait-elle en lui servant généreusement. Amène-les dimanche prochain, ça fait si longtemps que je nai pas vu Amélie.

Au restaurant, Colette ne se gênait pas non plus, remplissant ses boîtes sous les yeux des autres clients. Elle nhésitait pas à demander aux convives sils finiraient leurs assiettes.

Lors des repas de famille, elle ne parlait que de trois choses : les prix, les salaires et les impôts. Alors, quelle ne fut pas la surprise générale quand elle annonça un jour avoir acheté un deuxième appartement dans une autre ville.

Limmobilier y coûte presque pareil, mais les loyers sont plus chers, expliquait-elle avec satisfaction. Jai deux amies sur place qui sen occupent.

Pendant ce temps, les parents dÉlodie économisaient depuis cinq ans pour des travaux quils ne faisaient jamais. Leur « pauvre » parente était bien plus riche queux.

À quinze ans, tante Colette avait déménagé dans cette même ville, suivant sa fille Amélie, qui entrait à luniversité. Pour Élodie et son père, ce fut un soulagement. Ils en avaient plus quassez de cette éternelle invitée.

Mais Sophie, elle, était triste.

Cest ma sœur, quand même soupirait-elle.

Et voilà que sept ans plus tard, Colette refaisait surface. Arrivée chez sa mère sans un cadeau, pas même une bûche de supermarché. Pourtant, à table, elle trônait comme si tout lui était dû.

Elle avait choisi son moment avec soin : début mars, juste avant la Fête des Mères. Colette savait toujours se montrer quand il y avait des cadeaux en jeu.

La tante navait pas changé, mais Élodie, si. Ce nétait plus la petite fille timide qui espérait des miracles. En apprenant la visite de Colette, elle avait décidé : pas de cadeau, même si ça déclenchait une scène.

Son père, une fois Colette hors de vue, lui avait souri et fait un clin dœil approbateur. Sophie avait soupiré et invité tout le monde à table.

Colette ne resta pas vexée longtemps et revint à lodeur de la dinde rôtie, lair de faire une faveur à tous. Lèvres pincées, regard noir, jambe croisée

Élodie décida de lui taper sur les nerfs. Et aussi de préparer le terrain : son anniversaire approchait, et elle ne voulait pas entendre parler du prix de lessence ce jour-là.

Maman, je voulais te demander Pour mon anniversaire.

Colette sanima aussitôt. Où il y avait fête, il y avait nourriture.

Oh, cest ton anniversaire ? Quand ? demanda-t-elle dune voix mielleuse.
Après-demain.
Vraiment ? Javais oublié ! Alors, on se retrouve tous, hein ? Il faut fêter ça comme il se doit ! Après, je rentrerai chez moi.

Son ton trahissait une anticipation mal dissimulée. Elle devait déjà imaginer les restes quelle emporterait.

Impossible. Cette année, je le fête avec mes amis. Tu ne men veux pas, maman ?

Le sourire de Colette se figea. La lueur dans ses yeux séteignit. Elle comprit quil ny aurait rien à gagner, seulement à perdre.

Le père, quant à lui, observait la scène avec amusement.

Vous, les jeunes Vous nous oubliez, nous les vieux, se lamenta Sophie. Mais viens nous voir au moins. Je préparerai quelque chose.
Justement Tu pourrais venir maider à nettoyer et cuisiner ? Comme ça, on se verra. Je suis débordée, pas un week-end depuis deux semaines. À quatre, ça ira vite. Dimanche, je viendrai ici.

Co

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