**Mon Journal Intime**
Aujourdhui, jai épousé Laurent, lhomme qui a su ancrer mon univers dans la tempête. La joie qui menvahissait était aussi brillante que lor de ma nouvelle bague. En sortant de la mairie de Lyon, sous un ciel dazur, tout semblait parfaitcomme la limousine blanche qui nous attendait pour nous conduire au château où deux cents invités célébraient notre union. Pour la première fois, la vie me souriait sans réserve.
À peine installés sur les sièges en cuir, un léger coup à la vitre nous fit sursauter. Jabaissai la vitre et découvris une fillette denviron sept ans, frêle comme un roseau, tenant un petit bouquet de pâquerettes.
« Madame, pour porter bonheur ? murmura-t-elle dune voix douce. Ce nest pas cher juste quelques euros. »
Mon cœur se serra. Dans ses yeux, je revis mon propre passé, ces années difficiles avec ma mère. « Bien sûr, ma chérie », répondis-je en lui tendant un billet de vingt euros. Cest alors que je remarquai ses cheveux emmêléset léclair dargent qui y brillait.
Une barrette. En forme de fleur. Gravée dune marguerite.
Le souffle coupé, je sentis le monde autour de moi sestomper. Cette barrette cétait impossible. Celle que ma grand-mère mavait offerte pour mes sept ans, perdue le jour où mon père nous avait quittés. Un souvenir lié à une douleur ancienne.
« Chérie, quest-ce qui ne va pas ? On va être en retard », souffla Laurent, inquiet.
Ignorant ses mots, jouvris la portière et magenouill devant la petite, ma robe de mariée frôlant le trottoir. « Ma puce, cette barrette où las-tu trouvée ? »
La fillette, prénommée Amélie, recula, effrayée. « Je lai trouvée par terre, il y a longtemps. Elle était jolie. »
Laurent me rejoignit, les sourcils froncés. « Élodie, on ne peut pas emmener une enfant inconnue à notre réception. Appelons les services sociaux, mais il faut y aller. »
Ses paroles, bien que pragmatiques, me glacèrent. Était-ce là notre premier choix en tant que couple : les convenances ou la compassion ?
« Cest ça, notre vie, Laurent ? rétorquai-je. Ignorer ceux dans le besoin pour sauver les apparences ? » Amélie pleurait silencieusement. « Elle vient avec nous. Ne serait-ce que pour ce soir. »
Il soupira, cédant. « Daccord. Mais cest toi qui expliqueras à ma mère. »
Dans la limousine, un silence pesant régnait. Amélie se blottissait dans son coin, Laurent apaisait ses parents au téléphone, et je serrais les pâquerettes, le cœur battant.
À notre arrivée, les murmures fusèrent parmi les invités. Je pris la main dAmélie et la guidai vers la table dhonneur, sous le regard scandalisé de Béatrice, la mère de Laurent.
« Élodie, expliquez-moi cette situation ! chuchota-t-elle, furieuse. Vous créez un scandale ! »
Je me dégageai calmement. « Elle sappelle Amélie. Et le vrai scandale, cest de soffusquer dune enfant qui a froid. »
« Ce nest pas une soupe populaire, cest le mariage de mon fils ! »
« Le mien aussi », rétorquai-je avant de retourner à ma place.
Pendant les discours, je levai les pâquerettes. « La vie nous réserve des surprises, commençai-je. Aujourdhui, jai promis mon amour à Laurent. Mais jai aussi renoué avec une promesse que je métais faite : ne jamais détourner les yeux devant un enfant en détresse. » Je racontai lhistoire de la barrette, des pâquerettes, dAmélie. « Cette fête célèbre lamour et la communauté. Amélie na personne. Soyons sa communauté. »
Un oncle de Laurent se leva. « Nous avons une fondation pour les jeunes en difficulté. Nous pouvons laider. » Une invitée proposa des vêtements. Peu à peu, les regards se firent bienveillants.
Avant le dessert, une assistante sociale avait été contactée, et Amélie, vêtue dun nouveau pull, dévorait une part de gâteau au chocolat. En partant, elle membrassa. « Merci davoir été gentille. »
Je la serrai fort. « Garde cette barrette précieusement. Elle est pour les filles courageuses. »
Alors que nous la regardions séloigner, Laurent me prit la main. « Tu avais raison. Aujourdhui, nous navons pas juste célébré un mariage. Nous avons fait quelque chose qui compte. »
Je posai ma tête sur son épaule. La barrette nétait pas revenue, mais elle mavait offert bien mieux : la certitude que notre vie serait bâtie non sur les apparences, mais sur une bonté inébranlable.







