Dasha, viens, je t’en supplie…

Solène, viens, je ten supplie
Maman, tu sais bien que je ne viendrai pas !
Solène, je timplore, il va vraiment mal
Ne me demande pas, je ne viendrai pas.

« Je le déteste ! » Solène jeta son téléphone avec rage. Elle se dirigea vers le réfrigérateur, en ouvrit brusquement la porte et en sortit une bouteille de vin. Elle remplit un verre, hésita un instant avant de le vider dans lévier. Puis, sasseyant sur un tabouret, elle éclata en sanglots.

Dix ans sétaient écoulés depuis quelle avait quitté la maison familiale.

En terminale, Solène était tombée amoureuse. Ses amies sortaient souvent en boîte ou à des soirées étudiantes près du lycée. Un soir, cédant à leurs insistances, elle les avait accompagnées. Cest là quelle lavait rencontré. Il jouait dans un groupe et chantait magnifiquement. Fils de diplomate, toutes les filles lui couraient après, rêvant dun rendez-vous. Solène ignorait pourquoi il lavait choisie, elle. Ce fut son premier amour. Elle courait à leurs rencontres, oubliant ses études, ses tâches à la maison, mentant à ses parents pour le voir plus souvent.

Leur idylle fut brève. Elle tomba enceinte. Peu à peu, il lévita, puis disparut complètement. Sa mère, en revanche, se présenta, proposant de « régler le problème » avec un bon gynécologue. Elle précisa quils navaient aucune envie dune bru aussi légère, et que Solène ne faisait pas le poids pour leur fils

Solène mit du temps à annoncer sa grossesse à sa mère. Quand son ventre devint trop visible, elle avoua la vérité.

Pétasse ! Tu ne penses quà faire la fête, pas à tes études ! hurlait son père. Quelle honte ! Comment je vais oser regarder les gens en face ? Dégage ! Je ne supporte plus de te voir !

Sa mère pleurait en silence. Elle avait toujours obéi à son mari, un homme autoritaire et dur qui avait brisé sa volonté au fil des ans. Elle ne lui opposait plus rien depuis longtemps.

Après cette avalanche dinsultes, Solène fourra quelques t-shirts et un jean dans son sac et quitta la maison.

Elle erra dabord chez des amis, mais personne ne voulait vraiment lhéberger. Empruntant de largent à une copine, elle partit pour Lyon, chez une tante dont sa mère lui avait vaguement parlé. Son père, jaloux et possessif, avait coupé les ponts avec toute sa belle-famille, et Solène ne connaissait presque rien de ses proches.

Arrivée là-bas, elle apprit que sa tante avait déménagé après son mariage. Personne ne savait où. Affamée et désespérée, elle retourna vers la gare. Des femmes âgées vendaient des sandwichs aux voyageurs. Solène sapprocha dune delles, qui disposait ses paninis sur un carton recouvert dun sac plastique. Tentation trop forte : elle tenta den voler un. Maladroite, elle se fit prendre. La vendeuse allait la frapper, mais, apercevant son ventre, sarrêta net.

Tout en dévorant le panini, Solène lui raconta son histoire. La femme, qui vivait seule, lui proposa de rester.

Jusquà laccouchement, Solène vendit des sandwichs près de la gare. Elle espérait économiser assez pour rentrer chez elle, se réconcilier avec son père

Mais elle resta coincée dans cette ville inconnue pendant dix longues années.

Elle mit au monde une fille. La vendeuse de sandwichs devint sa grand-mère adoptive, soccupant du bébé pendant que Solène travaillait. Dabord femme de ménage dans une épicerie, elle remplaça une vendeuse malade et finit par obtenir le poste. Consciencieuse, elle gravit les échelons : vendeuse senior, responsable de rayon. Quand un hypermarché ouvrit à côté, elle y fut promue chef de département.

Après la naissance, elle avait appelé sa mère, voulant revenir. Mais celle-ci la supplia de ne pas le faire : son père refusait dentendre parler delle.

Quand sa bienfaitrice mourut, lui léguant sa maison, Solène rappela sa mère. Elle avait besoin daide, entre son travail et sa fille souvent seule. « Ça lui ferait du bien de fuir ce tyran », pensait-elle. Nouveau refus. Elles cessèrent de se parler.

Et maintenant, cet appel

Dix ans à attendre un « Pardon. Reviens » ou un simple « Rentre, ma fille ». Mais maintenant Pourquoi ?

Quattendait-il delle ? Quelle murmure : « Pardon, papa, jai eu tort » ?

Sa rancœur sétait estompée avec le temps, mais la douleur demeurait. Lincompréhension, labsence de dialogue, les sacrifices, lorgueil avalé Ça avait été si dur. Parfois, elle avait voulu tout abandonner.

Mais aujourdhui, elle était fière. Respectée au travail, écoutée par ses supérieurs. Elle avait rénové la maison avec goût. Sa fille étudiait dans un lycée prestigieux. Et son compagnon venait de lui demander sa main.

« Tout va bien, se disait Solène. Serais-je devenue cette femme forte et indépendante sans cette rupture ? Pardonner, tourner la page Pour moi. Pour mon avenir. »

Elle appela son travail, expliqua la situation, et commença à préparer sa valise

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Dasha, viens, je t’en supplie…
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