Épouser le mauvais homme

Un Mariage Pas Comme les Autres

Inès Dubois ne pouvait rien faire contre sa fille unique et tant aimée, la têtue Aurélie. Leur famille était pourtant bien établie : le père, Léon Moreau, médecin, et la mère, économiste dans une petite entreprise.

Aurélie était tombée amoureuse de Julien, un garçon sérieux et charmant, mais selon Inès, il ne venait pas dune famille convenable, et ce nétait pas le gendre dont elle rêvait. Julien navait pas connu sa mère, morte en couches, et avait été élevé par son père, Théo, et sa grand-mère, Mireille. La vieille femme était souvent malade, et lorsque Julien avait quinze ans, elle sétait éteinte. Il était resté seul avec son père, qui navait jamais refait sa vie et travaillait comme chauffeur dans une usine.

Leur relation était merveilleuse, faite de complicité. Théo ne buvait jamais, soutenait son fils en toute chose, et Julien faisait du sport. Ils vivaient chichement, mais tous deux lacceptaient sans plainte. Julien ne réclamait jamais rien de cher, et Théo lui en était reconnaissant.

Papa, jai rencontré Aurélie, une fille incroyable, mais sa mère dirige tout dune main de fer. Inès Dubois est exigeante, et je sens bien que je ne lui plais pas. Jai déjà dîné chez eux.

Mon fils, limportant, ce nest pas sa mère, mais lamour et la compréhension entre vous, répondait Théo avec calme.

Mais Aurélie et Julien ne voyaient rien dautre que leur bonheur. Ils saimaient, préparaient leur mariage, tandis quInès ruminait lidée de les séparer. Ce garagiste ne lui convenait absolument pas.

Le jour du mariage ressemblait presque à un enterrement. Seuls les mariés et leurs témoins souriaient.

Ce nest vraiment pas le genre de mariage que jimaginais pour ma fille unique, songeait Inès en contemplant sa fille, qui ne portait même pas une robe blanche.

Ses parents voulaient lui offrir la plus belle des robes, mais Aurélie savait que largent manquait chez Julien. Elle avait posé ses conditions :

Vous me donnez largent, mais vous ne choisissez pas. Cest moi et ma copine Lola qui décidons. Julien paie sa tenue lui-même.

Inès découvrit la robe le jour même. Ce nétait pas une robe de mariée, mais une élégante création café au lait qui mettait en valeur ses cheveux caramel. Sur sa tête, une couronne de fleurs délicates. Et surtout, aux pieds des baskets.

Julien ne laissait pas sa promise en reste : chemise assortie, jean, baskets lui aussi. Pour la jeunesse, cétait moderne et audacieux. Pour Inès, cétait un choc.

Léon, cest quoi, ça ? fit-elle en désignant les jeunes.

Notre fille et son mari Julien, répondit-il, imperturbable.

Je parle de leurs tenues.

Elles sont modernes, branchées. Regarde comme ils forment un beau couple, peu importe ce quils portent.

Mais ce qui dérangeait le plus Inès, cétait le père de Julien. Assis dans ce restaurant chic, devant une table somptueuse, il portait un costume défraîchi, visiblement mal à laise.

Pire encore, la grand-mère dAurélie, Geneviève, femme sévère au regard perçant, détestait ce mariage. Avant la cérémonie, elle avait tenté de dissuader sa petite-fille :

Aurélie, annule tout. Ce Julien vient dune famille désunie, sans mère, élevé par un seul homme. Il na pas de diplôme, il ne pourra pas te faire vivre. Un garagiste

Mamie, Julien na pas choisi sa famille, et il nest pas responsable de la mort de sa mère. Peu importe ce quil fera, cest mon âme sœur. Un point cest tout.

Geneviève toisait le fiancé dun air mécontent, mais comprit que sa petite-fille avait grandi et ne changerait pas davis. Assise à côté dInès, elle murmura :

Comment as-tu pu laisser faire ça ?

Jai tout tenté, mais tu connais Aurélie, quand elle sentête

Comme toi, en somme.

Ne commence pas, maman, répliqua sèchement Inès.

Quand elle avait rencontré Léon, tous deux avaient près de trente ans. Inès était difficile avec ses prétendants, et aucun ne plaisait à Geneviève. Elle voulait un homme diplômé, drôle et séduisant.

Léon, lui, nétait pas marié parce quil était amoureux dÉlodie, qui ne laimait pas vraiment. Elle se laissait choyer, puis disparaissait sans prévenir. Léon savait quelle jouait avec lui, mais il lui pardonnait tout. Cela durait depuis des années, jusquà ce quil rencontre Inès, belle, intelligente, et volontaire. Elle lui avait plu immédiatement.

Un jour, alors quInès était chez lui, la sonnette retentit. Cétait Élodie.

Alors, tu ne minvites pas ? lança-t-elle, comme si elle navait pas disparu pendant trois mois.

Inès apparut dans lentrée, drapée dans une serviette.

Quest-ce que cest que ça ? sexclama Élodie.

Ma fiancée, répondit Léon en enlaçant Inès.

On verra bien qui restera avec lui, gronda Élodie avant de partir.

Peu après, elle se maria et quitta la ville. Inès apprit la nouvelle par une amie et en fut soulagée. Élodie tenta bien de revenir, mais en vain. Inès avait gagné.

Léon navait jamais plu à sa belle-mère, mais il en riait. Il savait quaucun homme ne correspondrait jamais à ses attentes. Dautant quil nétait pas un bricoleur, comme elle laurait souhaité, mais simplement un bon médecin.

Léon voyait sa femme chuchoter avec Geneviève et demanda, amusé :

Vous êtes encore en train de me critiquer ?

Toi ? On ta jugé il y a vingt ans. Maintenant, cest ton gendre qui nous occupe.

Julien ? Un bon garçon. La vie leur dira. Et puis, on ne choisit pas sa famille.

La soirée sacheva enfin. Aurélie et Julien passèrent leur nuit de noces à lhôtel, puis emménagèrent chez les parents dAurélie. Inès ne pouvait accepter ce mariage et jura de les séparer.

Tant quils nauront pas denfant, ce sera facile.

Mais ses plans furent contrariés par un imprévu : son propre mariage vacillait. Une amie lui annonça le retour dÉlodie. Inès, bien que sûre de lamour de Léon, devint méfiante. Elle fouillait ses affaires, le surveillait, allait même le surveiller à la clinique.

Léon finit par sen apercevoir.

Tu veux engager un détective ? demanda-t-il, ironique.

Inès avoua.

Je me demande si tu irais la retrouver.

Elle est déjà venue. Tu nas rien vu.

Quoi ? Quand ?

Récemment. Elle est passée à ma consultation.

Et alors ?

Rien. Oh, ma femme est jalouse ? Tu ne comprends donc pas quil ny a quune seule femme dans ma vie, et cest toi !

Inès éclata de rire et se blottit contre lui, soulagée. Elle aimait son Léon, et cet amour ne faisait que grandir.

Aurélie et Julien vivaient leur vie, heureux. Un soir, pendant le dîner, ils échangèrent un regard, et Aurélie annonça solennellement :

Maman, papa Vous allez être grands-parents.

Quoi ? sexclama Inès, tandis que Léon souriait.

Tu ne sais pas comment ça marche ? plaisanta Aurélie.

Si, mais si tôt Je ne veux pas être grand-mère, je suis encore jeune.

Alors tu seras une jeune grand-mère.

Inès dut abandonner ses projets.

Si Dieu protège leur union et nous donne un petit-enfant, alors cest ainsi.

Léon, lui, attendait impatiemment larrivée du bébé. La vie, après tout, suit son cours, sans demander la permission.

Оцените статью
Épouser le mauvais homme
C’était son premier mot