Eh, où est-ce que tu vas ?» – Lui demanda-t-elle depuis la cuisine

**Journal intime 15 octobre**

« Eh, où vas-tu comme ça ? » La voix de Béatrice résonna depuis la cuisine. Elle sessuyait les mains sur son tablier, le regard empreint de surprise.

Jean, quarante-cinq ans, directeur dune entreprise de construction réputée, avait pris sa décision. Pendant que sa femme préparait le petit-déjeuner, il avait fait sa valise. Maintenant, planté devant la porte de leur spacieux appartement du Marais, il sentait le poids de son choix.

Béatrice avait toujours veillé sur la famille. Pour elle, un bon petit-déjeuner avec saucisson, fromages et baguette fraîche était la clé de la santé et du succès. Quand les enfants étaient petits, elle se levait avant laube. Trois enfants exigeaient tout son temps, et le salaire de Jean lui avait permis de se consacrer entièrement au foyer.

Il resta silencieux. Observant Béatrice, sa compagne de vingt-cinq ans, il se convainquit : il avait raison. Il était temps de changer.

Elle avait pris du poids ces dernières années, perdant cet éclat qui lavait jadis séduit. Elle ne lattirait plus. Pour ça, il y avait Élodie jeune, intelligente, aux cheveux noirs comme lébène, rencontrée lors dun séminaire à Nice. Audacieuse, comme lui. Cest pourquoi il était là, valise à la main.

Assez ! Pourquoi rester avec une femme quil naimait plus ? Les enfants étaient indépendants : Pierre et Antoine, diplômés, travaillaient à Paris ; Margaux, en quatrième année de médecine, était soutenue financièrement par lui. Quant à sa femme Pourquoi continuer à lentretenir ? Élodie avait raison : il était temps de partager lappartement.

« Tu pars en voyage ? » demanda Béatrice, calme. « Tu aurais pu me prévenir. Je tai préparé des sandwichs. Ce nest pas bien de partir le ventre vide. »

« Toujours avec la nourriture ! » grogna Jean, agacé de ne pas pouvoir exprimer ses intentions. « Tu crois quil ny a pas de boulangeries dehors ? Tu vis dans ta cuisine comme si le monde nexistait pas ! »

« Quelque chose ne va pas ? » Sa voix restait douce.

Depuis longtemps, elle soupçonnait la maîtresse. Elle savait que ce jour viendrait. Mais elle connaissait son mari.

« Je quitte la maison ! » explosa-t-il. « Je vis avec une autre. Une femme moderne, pas une femme au foyer ! »

« Félicitations, » répondit-elle, comme si elle commentait la météo.

« Je ne le mérite pas ? »

« Tu mérites mieux. Tu es travailleur, intelligent, beau »

« Lappartement sera partagé, » dit-il, plus doucement.

« Daccord. Nous ferons tout dans les règles. »

Jean fut surpris par sa facilité. Il sattendait à des cris, pas à ce calme.

« Trouve un travail, » avertit-il. « Je ne tentretiendrai plus. »

« Je nen ai pas besoin. Je vais me remarier. »

« Te remarier ? » ricana-t-il, sceptique. « Qui voudrait de toi ? »

« Beaucoup dhommes. Les femmes comme moi sont prisées. Expérimentées, douées pour la maison, bonnes cuisinières Et avec un appartement à moi après le partage. »

Il avala difficilement. Lidée de Béatrice avec un autre le dérangeait.

« Jai une réunion, » murmura-t-il, posant sa valise. « Ne prévois rien pour ce soir. Ce serait irrespectueux. »

Au bureau, le doute le rongeait. Il avait prévu de revenir si ça ne marchait pas avec Élodie, mais maintenant

En fin de journée, Élodie lappela, exigeante :

« Où es-tu ? Jai trouvé un appartement sur les Champs-Élysées ! Il faut meubler la chambre et payer le voyage aux Maldives. Tu te souviens de ta promesse ? »

« Quest-ce quon mange ce soir ? » linterrompit-il.

« Rien. Je suis au régime. On peut commander des sushis »

Jean raccrocha. Il pensa à la brandade que Béatrice aurait préparée, au silence réconfortant du foyer. Et à lidée quun autre homme lappelle sa femme.

Non. Cela narriverait pas.

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