Pour moi, il va changer

**Journal dun ami : Le poids des choix**

Si tu invites Nicolas à ton anniversaire, ne compte pas sur moi. Ni pour la fête, ni pour quoi que ce soit dautre. Je ne supporte plus sa vue !
Anaïs, attends hésita Juliette. Comment pourrais-je ne pas linviter ? Cest le frère de mon mari. Nous sommes une famille.
Arrête, famille ! ricana son amie. Depuis quand es-tu si proche de lui ? Vous avez bien vécu sans lui avant, non ? Est-ce quil compte vraiment à ce point pour toi ?

Juliette se mordit la lèvre. Elle savait quAnaïs et Nicolas ne sentendaient plus, mais à ce point-là ? Un ultimatum du genre « lui ou moi », cétait une première.

Entre elle et Nicolas, il ny avait jamais eu de complicité, juste une neutralité polie. Non, il ne comptait pas pour elle. Mais les sentiments de son mari, Louis, eux, comptaient.

Anaïs, tu réalises le choix que tu me forces à faire ? Cest toi ou Louis. Il est
Tout est clair, linterrompit Anaïs. Les sentiments de Louis passent avant tout. Cest ça ?

La conversation sarrêta net, laissant un goût amer. Comme si Juliette avait été accusée de trahison.

Elle comprenait la douleur dAnaïs, mais se sentait injustement blessée. Pourquoi son amie refusait-elle de comprendre sa position ? Pourquoi devait-elle choisir entre sa famille et celle qui lavait toujours soutenue ?

Elles se connaissaient depuis lenfance. Même crèche, même école. Leurs familles étaient proches. Lété, Juliette passait des semaines chez les grands-parents dAnaïs, près de la mer. Une fois, elles étaient même parties ensemble en vacances à Nice.

Petite, Juliette était ronde et complexée. Les moqueries des autres enfants narrangeaient rien. Anaïs, plus batailleuse, la défendait. Elle savait riposter verbalement, et parfois même physiquement. Personne nosait plus sen prendre à Juliette.

En échange, Juliette laidait pour les devoirs ou lui prêtait ses vêtements. Quand elle achetait des friandises, cétait toujours pour deux. Leurs familles restaient liées. Récemment encore, sa mère racontait comment les parents dAnaïs les avaient aidés pour des travaux.

Anaïs nétait pas quune amie. Elle faisait partie intégrante de la vie de Juliette. Impossible de leffacer.

Un jour, elles avaient failli devenir famille. Enfin, « failli » Cétait improbable, mais Anaïs y croyait dur comme fer.

Dis, on pourrait presque être cousines, non ? lui avait-elle lancé. Présente-moi Nicolas, le frère de ton mari. Les mecs bien sont rares, et là, il est sous notre nez. Ce serait génial !

Juliette avait tiqué. En théorie, lidée semblait séduisante. Mais elle connaissait Nicolas. Oui, il plaisait : grand, charmant, sociable. Mais un vrai coureur. Il changeait de conquête comme de chemise.

Anaïs, « mec bien », cest un peu exagéré, avait-elle prévenu. Cest un dragueur invétéré. Pas ton genre.
Il na juste pas encore trouvé la bonne, avait rétorqué Anaïs. Ils sont tous comme ça avant de se ranger. Moi, je saurai le changer.

Juliette avait tenté de la dissuader, en vain.

Elle ne les avait pas présentés, mais Anaïs lavait contacté seule sur les réseaux. Leur histoire avait débuté doucement. Photos romantiques, statuts enflammés Anaïs était aux anges. Puis tout sétait écroulé.

Juliette, tu sais où est Nicolas ? avait-elle demandé, inquiète.
Non, pourquoi ?
Il ne répond pas depuis hier. Jespère quil va bien.
« Lui, oui, probablement », avait soupiré Juliette.
Anaïs Je tavais prévenue. Tu savais comment il était
Il a sûrement un problème de téléphone. Il changera pour moi, tu verras.

Mais Nicolas navait pas changé. Il lavait trompée. Quand Anaïs lavait découvert, la colère avait duré des mois. Elle déversait sa haine dans les conversations, senflammant à la moindre évocation de lui.

Au début, elle acceptait encore les réunions familiales, mais ne ratait pas une occasion de le piquer.

Anaïs, passe-moi la salade, sil te plaît, demandait-il calmement.
Demande à ton harem, rétorquait-elle.

Nicolas encaissait, mais latmosphère était tendue.

Peu à peu, Anaïs était passée du sarcasme à lindifférence. Elle ne le surveillait plus, ne le regardait même plus. Juliette avait cru la crise terminée. Jusquà ce quAnaïs apprenne que Nicolas avait une nouvelle petite amie.

Pas une aventure éphémère cette fois. Six mois ensemble, et il ne la quittait pas des yeux. Il lavait même présentée à ses parents, ce quil navait jamais fait pour Anaïs.

Donc pour moi, il na rien fait, mais pour cette fille, il se range ? avait-elle craché. Quest-ce quelle a de plus ? Je lai vue en photo. Elle shabille comme un garçon, avec son nez en patate et son cou de lutteur.

Juliette comprenait sa souffrance. Mais pourquoi la punir, elle ?

Le soir, elle en avait parlé à Louis. Il avait haussé les épaules.

Cest un peu puéril. Mais si tu veux linviter, je comprends. Nicolas na pas besoin dêtre là. Cest ton jour.

Ce contraste lui avait ouvert les yeux. Les gens qui taiment ne te forcent pas à choisir. Que ferait-elle à la place dAnaïs ? Elle supporterait la situation, ou déclinerait discrètement linvitation. Jamais elle ne lui imposerait un dilemme.

Autrefois, Juliette aurait cédé. Aujourdhui, elle refusait de trancher.

La veille de la fête, elle avait écrit à Anaïs :

Tu viens ? Je veux savoir si je peux compter sur toi.
Si tu invites *lui*, alors non, avait répondu Anaïs.
Jinvite le frère de mon mari, pas ton ex. Et toi, ma meilleure amie. Je serai heureuse de te voir. Si tu ne viens pas, je comprendrai.

Anaïs nétait pas venue. Juste un message froid le matin. Juliette avait remercié sans sénerver.

La fête sétait bien passée. Nicolas était venu avec sa copine, une fille simple et agréable. Tout le monde avait ri, porté des toasts. Louis lui avait lancé un regard reconnaissant.

Pourtant, Juliette avait gardé un pincement au cœur, espérant un signe.

En rangeant avec Louis, elle sétait reprise. Oui, cétait douloureux. Mais elle avait bien agi. Elle avait choisi sa famille, pas la paix à tout prix.

Parce que lamitié véritable, cest quand on ne te force jamais à choisir.

*Leçon du jour : Parfois, garder les gens quon aime exige de les laisser partir. Et ceux qui restent sont ceux qui ne tont jamais demandé de sacrifier ton bonheur.*

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