Dans cette maison, c’est moi qui décide – déclara ma belle-sœur en réarrangeant les meubles de ma chambre

Dans cette maison, cest moi qui décide ! La voix claire et autoritaire résonna dans son dos comme un coup de fouet.

Élodie se retourna, serrant contre elle la statuette en porcelaine dune ballerine un fragile souvenir de sa mère. Dans lencadrement de la porte se tenait Agathe, grande, droite, avec des yeux froids. Son visage affichait une conviction inébranlable : ici, cétait elle qui commandait.

Je voulais juste la mettre sur létagère, murmura Élodie, sentant la timidité lui serrer la gorge.

Les étagères aussi vont être réorganisées, coupa Agathe, désignant la pièce dun geste large. Ce mobilier est vieux, encombrant. Demain, on apportera un nouvel ensemble, clair, moderne. Quant à ça Elle donna un coup de pied dédaigneux à la commode en chêne foncé. Direction la maison de campagne, si mon frère est daccord.

« Mon frère ». Toujours « mon frère ». Théo. Le mari dÉlodie. Apparemment, son autorité ne comptait plus ici.

Agathe, sa sœur aînée, avait emménagé chez eux il y a trois semaines pour « se ressourcer » après un divorce difficile. Dès le premier jour, elle avait commencé à évincer Élodie de sa propre vie, lentement, méthodiquement, comme leau qui érode le sable.

Bon, cette table na vraiment pas sa place dans le nouveau décor, déclara Agathe en attrapant résolument le petit bureau près de la fenêtre, couvert des livres et carnaux de poésie dÉlodie.

Attends ! La protestation lui échappa, et elle-même en fut surprise. Il y a mes affaires.

On rangera tout soigneusement dans des cartons, répondit Agathe sans se retourner, en faisant déjà tomber une pile de livres par terre. Il y a de la place, jai tout prévu.

Élodie regarda en silence cette étrangère fouiller dans sa vie, exposant ses souvenirs comme des vieilleries inutiles. Lair de la pièce devint épais, oppressant. Elle ne trouvait pas les mots pour protester. Trois ans de mariage navaient pas effacé sa timidité denfant, cette peur des conflits héritée de lorphelinat.

Le dîner se déroula dans un silence pesant. Théo avait le nez dans son assiette, évitant le regard de sa femme. Il se repliait toujours au moindre signe de dispute.

Théo, le nouveau mobilier, cest cher, commença prudemment Élodie. Et pourquoi ? Jaimais bien lancien.

Élodie, Agathe sy connaît, marmonna-t-il en jouant avec sa purée. Elle a bon goût, elle a fait des études en décoration. Ça donnera un coup de neuf à lappartement.

Mais cest notre chambre, chuchota-t-elle, ses mots éclipsés par la voix claire dAgathe.

Justement, un coup de neuf ! enchaîna celle-ci en repoussant son assiette vide. Toi, Élodie, tu as du potentiel, mais tu manques daudace. Un intérieur, cest le reflet de lâme. Il est temps que tu évolues.

Elle sourit, un sourire doucereux et venimeux. Élodie sentit la chaleur lui monter aux joues. Dans son « âme », il ny avait pas de place pour une force aussi brutale.

Je ne veux pas évoluer, murmura-t-elle.

Que tu le veuilles ou non, tu vivras dans la beauté et lordre, rétorqua Agathe en se levant et en empilant bruyamment les assiettes. On commence demain matin. Théo, sois disponible pour neuf heures, ils livrent le mobilier.

Théo hocha simplement la tête, sans lever les yeux.

Élodie passa une nuit presque blanche. Allongée à côté de son mari, qui ronflait, tourné vers le mur, elle fixait le plafond. La voix dAgathe résonnait dans ses oreilles : « Dans cette maison, cest moi qui décide. » Ce nétait pas un caprice. Cétait un ultimatum. Une prise de territoire.

Le matin, tout commença dans le vacarme. Des cartons géants et des emballages plats furent apportés dans lappartement. Deux hommes costauds, sous les ordres dAgathe, entreprirent de vider la chambre dÉlodie.

Doucement ! sécria-t-elle en voyant lun deux cogner la bibliothèque contre le chambranle. Il y a du verre !

Ne tinquiète pas, tout est sous contrôle ! répliqua Agathe en agitant un plan imprimé.

Élodie se tenait dans le couloir, adossée au mur, se sentant étrangère dans cette effervescence. Ses affaires, ses livres, ses bibelots avaient été entassés dans des sacs-poubelle et relégués dans un coin. Théo avait disparu, prétextant un appel urgent.

À midi, la chambre était vide. Les murs nus, les traces de poussière au sol, tout paraissait sinistre et impersonnel. Élodie entra. Lair sentait la poussière et la solitude.

Voilà, de lespace ! Agathe fit son entrée, souriante, comme si elle avait offert une nouvelle vie à la pièce. On va monter le nouveau mobilier, et tu ne reconnaîtras plus ton petit nid.

Je ne le reconnais déjà plus, murmura Élodie.

Arrête, tout ne fait que commencer ! Agathe lui tapota lépaule, un contact si faux quÉlodie réprima un frisson.

Elle regarda les ouvriers assembler le nouveau mobilier léger, clair, avec des poignées chromées. Cétait beau, stylé, complètement impersonnel et surtout pas elle. Agathe supervisait tout, imposant sa vision.

Le canapé ira ici, le fauteuil en face. Et ça on enlève, ça ne va pas.

« Ça », cétait létagère avec les plantes dÉlodie.

Où ça ? demanda-t-elle soudain dune voix claire et ferme. Sa propre voix lui parut étrangère.

Agathe se retourna, surprise.

Dans le débarras. Ou sur le balcon. Ces pots sont dun autre temps.

Ce sont des êtres vivants, dit Élodie. Et ils restent ici.

Un silence tomba. Les ouvriers sarrêtèrent de marteler, échangèrent des regards. Agathe se redressa lentement, toisant sa belle-sœur.

Élodie, on avait convenu dune harmonie.

Je nai rien convenu, rétorqua Élodie en avançant dun pas. Ses mains tremblaient, mais en elle, une force nouvelle se dressait, froide et inflexible. Cest ma chambre. Mes plantes restent ici.

Ma chérie, mais je

Et le mobilier que tu juges « démodé », cest le mien. Je lai acheté. Avec mon argent. Ou veux-tu dire que je nai pas mon mot à dire dans ma propre maison ?

Agathe resta bouche bée. Visiblement, cétait la première fois que la timide Élodie lui tenait tête.

Je je veux juste ton bien, tenta-t-elle, mais sa voix avait perdu son assurance.

Le bien de qui ? poursuivit Élodie, emportée par une détermination nouvelle. Le tien ? Tu es une invitée ici, Agathe. Une invitée temporaire. Et tant que tu seras là, tu respecteras ma maison et mes règles.

Elle parcourut la pièce du regard, puis sadressa aux ouvriers :

Désolée, mais cest tout pour aujourdhui. Laissez tout comme cest, sil vous plaît.

Les hommes échangèrent des regards perplexes, puis se tournèrent vers Agathe.

Tu es sérieuse ? sexclama-t-elle. On a presque fin

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Dans cette maison, c’est moi qui décide – déclara ma belle-sœur en réarrangeant les meubles de ma chambre
Elle voulait juste voir pour qui il l’avait échangée…