La Chatte Aveugle : Une Histoire Touchante de Résilience Féline

La Chatte Aveugle

La vie de Théo navait pas été tendre depuis lenfance. Non, il avait bien eu une famille au début. Un père, une mère, une grand-mère et un grand-père. Une famille « malchanceuse », comme disaient les voisins, mais une famille tout de même. Oui, ils vivaient pauvrement, dans un petit appartement de banlieue, et le père et le grand-père nourrissaient tant bien que mal Théo, sa mère et la grand-mère avec des petits boulots. Puis un jour, alors que Théo venait à peine davoir sept ans, les adultes partirent un soir acheter de la mauvaise vodka dont quelquun avait payé une tournée après une rixe. Seule la grand-mère revint. Elle survécut, mais lesprit dérangé. Théo entra donc en CP à lorphelinat.

Avec les autres enfants, ça ne collait pas. Un caractère ombrageux, hérité de son grand-père, lempêchait de résoudre les conflits calmement. Les poings serrés, il se jetait sur quiconque osait le provoquer. Il se battait avec une obstination rageuse. On finit par le laisser tranquille, mais en années passées à lorphelinat, Théo ne se fit pas damis. Il rendit visite à sa grand-mère quelques fois. La vieille femme avait complètement perdu la raison, ramenant des dizaines de chats errants dans lappartement, fouillant les poubelles du matin au soir pour les nourrir.

Elle vivait recluse, évitée par les voisins, survivant avec une petite pension dont une partie était prélevée par la postière, tante Margot, pour payer le loyer. Elle connaissait la famille de Théo depuis longtemps et veillait, bénévolement, à ce que le garçon ait un toit après lorphelinat. Le reste de largent, la grand-mère de Théo le dépensait misérablement sous le regard vigilant de tante Margot, qui lempêchait de mourir de faim ou de tout donner à ses compagnons félins. La postière avait dabord tenté de chasser les chats, mais la vieille femme en ramenait obstinément de nouveaux, alors Margot finit par abandonner.

À sa sortie de lorphelinat, Théo emménagea avec la vieille femme. Comme elle lexaspérait ! Elle et ses chats ! Il essaya den jeter quelques-uns, mais la grand-mère, dordinaire si calme, hurlait tant quil reculait, désemparé. Il finit par éviter lappartement, ne revenant que pour dormir. Il trouva un travail sur un chantier et passait souvent ses nuits dans la baraque des gardiens. Les gars étaient jeunes, braillards, et comme Théo, pas vraiment chanceux dans la vie. Ils buvaient, jouaient aux cartes, se racontaient leurs aventures.

Un soir, après quelques verres, Théo se disputa avec Maxime. La querelle démarra pour une broutille, mais lalcool enflamma les esprits, et les mots dégénérèrent en bagarre. Théo, habitué aux bastons de lorphelinat, ne comptait pas reculer. Mais un ami de Maxime, Colin, le rejoignit, et à deux, ils rouèrent Théo de coups. Ce dernier arriva à peine à rentrer chez lui. Dans le noir, il se traîna jusquà son lit et seffondra, épuisé. Son corps le brûlait, sa poitrine était comme écrasée, le souffle coupé. À un moment, il perdit connaissance.

Il se réveilla soudain soulagé. À côté de lui, du côté le plus douloureux, quelque chose de doux et de chaud était blotti. Théo tendit la main. Un ronronnement lui répondit. Une chatte ! Trop faible pour la repousser, il sentit étrangement la douleur satténuer au contact de cette boule vibrante. Il se figea, craignant daggraver ses côtes endolories, et sendormit sans sen rendre compte.

Au matin, la chatte était toujours là. Elle le fixait de ses grands yeux étranges.
Va-ten, murmura Théo, la bouche sèche.
La chatte frémit des oreilles et sauta lentement au sol. Il ne put se rendre au travail ce jour-là.

Tante Margot vint le voir. Elle saffola, voulut appeler les secours, mais Théo refusa. Il sen remettrait, ce nétait pas la première fois. La postière lui apporta de la soupe, nourrit Théo et la grand-mère. Avaler était douloureux. Il mangea un peu et retomba sur le lit. La chatte de la veille réapparut aussitôt. Cette fois, Théo lexamina mieux. Un pelage tigré, ébouriffé. Le genre de chatte qui porte bonheur, disait-on. Elle sauta sur le lit avec précaution, sapprocha lentement et se coucha juste là où la douleur était la plus vive. Puis son petit moteur se mit en marche. Théo se sentit soudain apaisé, presque sans souffrance.

Pendant sa convalescence, la chatte ne le quitta pas.
Tante Margot, elle est bizarre, cette chatte, dit un jour Théo.
Elle est aveugle, mon petit. Regarde ses yeux. Et elle ne marche pas comme les autres.
Mais comment elle fait, alors ?
Elle se débrouille. Elle ronronne, elle vit.

Sans comprendre pourquoi, Théo sattacha à cette créature silencieuse au regard lointain. Voyant que les autres chats, plus rusés, dévoraient les restes avant elle, il se mit à nourrir la tigrée en secret. Et elle, avec son instinct, le distinguait, se frottait contre lui. Lui qui navait jamais aimé les animaux comprit quelle était le seul être vivant à lui offrir sa chaleur.

Renvoyé du chantier, il en trouva vite un autre. On y payait un peu mieux, et Théo ne gaspillait plus son argent comme avant. Il demanda à une vendeuse ce quon donnait aux chats et rapporta parfois de petits sachets de nourriture. Elle sentait bon. Une fois, par curiosité, il goûta. Avec un peu de sel, cétait presque mangeable. Les chats, flairant lodeur, miaulaient en chœur, mais Théo fermait la porte et ne nourrissait que la sienne. La sienne Le mot chatouillait son cœur. Depuis ses sept ans, rien ne lui avait vraiment appartenu. Tout était commun, récupéré dans les bagarres, arraché par les plus forts. Comme la nourriture quon lui volait, autrefois, à lorphelinat.

Il ne lui donna pas de nom. Pourquoi faire ? Cétait « sa chatte ». Elle ne se comportait pas comme les autres, marchant le long des murs, hésitant avant de sauter. On aurait dit quelle voyait quand même quelque chose.

Un jour, il lemmena chez le vétérinaire.
Un nom ? demanda le docteur en remplissant le carnet.
Elle nen a pas, grogna Théo.
Il en faut un.
Pas besoin.
Je laisse la ligne vide, vous lécrirez plus tard.
Âge ?
Le mien ?
La chatte, voyons.
Et moi, je sais pas ! Elle vient de la rue, cest pas une aristocrate !
Le vétérinaire soupira et lexamina de nouveau.
Jeune encore. Trois ou quatre ans. Mettons quatre. De toute façon, que voulez-vous savoir ?
Est-ce quelle voit un peu ?
Impossible. Aveugle de naissance.
On peut la soigner ?
Mon garçon, si je pouvais guérir ça, on me donnerait le Nobel ! Non, cest irréversible. Mais faites-lui ses vaccins, donnez-lui de la bonne nourriture. Compris ?

En sortant, Théo contempla les prix affichés. Il navait jamais imaginé que ça coûterait si cher.
Jeune homme, une minute.
Une femme él

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