« Entendant la sœur de mon mari comploter pour prendre mon appartement je lui ai réservé une surprise inattendue »
Camille rangea la vaisselle sale dans le lave-vaisselle et lança le cycle rapide. Le dîner du vendredi avait été un succès : Thomas avait dévoré sa tourte aux champignons avec enthousiasme. Même Élodie, qui faisait toujours la grimace devant les plats de « cette intruse » comme elle surnommait Camille dans son dos en avait repris deux parts.
« Je vais prendre une douche, lança Thomas depuis lentrée. On a un match de foot demain avec les copains, il faut que je sois en forme. »
« Vas-y », répondit Camille en essuyant le plan de travail.
Élodie était installée dans le salon, les yeux rivés sur son téléphone. Elle était arrivée la veille, comme dhabitude sans prévenir, avec ses sacs de shopping et son air habituellement aigre. « Juste pour le week-end », comme toujours.
« Tu veux un thé ? » proposa Camille en passant la tête dans lembrasure.
« Non », rétorqua Élodie sans même lever les yeux.
Camille haussa les épaules et retourna dans la cuisine. Elle était habituée à ce genre de traitement. Trois ans de mariage lui avaient appris à ignorer les piques de sa belle-sœur. Thomas disait toujours : « Élodie est piquante, mais elle finit par venir. Ne le prends pas à cœur. »
Le bruit de leau courante venait de la salle de bains. Camille alluma la bouilloire et ouvrit le placard pour prendre sa tasse préférée. Cest alors quelle entendit la voix dÉlodie dans le salon :
« Maman, ça va ? Oui, je suis chez eux Non, elle a encore cuisiné ses trucs dégueulasses Écoute, jai parlé à lavocat. »
Camille se figea, la tasse en main. Élodie baissa la voix, mais dans lappartement silencieux, les mots parvenaient clairement jusquà la cuisine.
« Oui, par la justice Comme lappartement vient de Mamie à Thomas, pas aux deux Non, cette idiote ne sait même pas quon peut la radier Thomas signera nimporte quoi si on sy prend bien »
La tasse glissa des mains de Camille et se brisa en morceaux sur le carrelage.
« Quest-ce qui se passe ? » sexclama Élodie, la voix soudain plus forte.
« Jai fait tomber une tasse », répondit Camille, sentant un froid glacial lenvahir.
Lappartement Ce trois-pièces en plein cœur de Paris où elle et Thomas vivaient depuis trois ans. Un cadeau de sa grand-mère. « Pour les jeunes mariés », avait dit la vieille dame à lépoque. Et maintenant, cette vipère voulait la jeter dehors ?
« Comme dhabitude », ricana Élodie en apparaissant dans lencadrement de la porte. « Tu es vraiment maladroite. »
« Désolée, jétais distraite », murmura Camille en ramassant les morceaux, soulagée quÉlodie ne puisse pas voir son visage.
« Pourquoi tu te débrouilles si mal ? Prends une pelle et une balayette. »
Camille obéit, les mains tremblantes.
« Quest-ce qui te fait trembler comme ça ? Tu las fait tomber, ce nest pas la fin du monde. »
« Jai eu un sursaut », mentit Camille.
« Ah oui, notre petite fleur fragile », rétorqua Élodie en retournant dans le salon.
Dans la tête de Camille, une seule pensée tournait en boucle : Ils veulent me mettre à la rue. De mon propre chez-moi. Cest pour ça quÉlodie est venue
Thomas sortit de la salle de bains en sifflotant.
« Oh, tu as cassé une tasse ? » sourit-il. « Ne tinquiète pas, on en rachètera dix comme ça. »
« Oui », répondit Camille en forçant un sourire.
Thomas lui déposa un baiser sur le front avant de rejoindre la chambre.
Cette nuit-là, Camille ne dormit pas une seconde. Thomas ronflait paisiblement à ses côtés tandis quelle fixait le plafond, réfléchissant. En parler à son mari ? Mais il adorait sa sœur et la défendait toujours. Se plaindre à sa belle-mère ? Elle était clairement complice dÉlodie ! Elle navait jamais été chaleureuse avec Camille, même si elle faisait semblant.
Je dois agir seule, décida Camille à laube. Mais comment ?
Le lendemain matin, Camille fut la première debout. Elle se glissa dans la cuisine, les mains si tremblantes quelle rata deux fois la tasse avec la cuillère.
« Calme-toi », murmura-t-elle. « Réfléchis. »
Son regard tomba sur la carte de visite dun avocat posée sur le frigo depuis le mois dernier. Maître Laurent avait aidé leur voisin dans un partage de biens. Elle attrapa son téléphone.
« Bonjour ! Maître Laurent ? Cest Camille Rousseau, la voisine de Madame Lefèvre. »
Elle parlait bas, presque en chuchotant, jetant des regards furtifs vers la porte.
« Jai besoin dune consultation urgente. Ce serait possible aujourdhui ? À treize heures ? Parfait ! »
Thomas entra dans la cuisine, encore endormi, une marque doreiller sur la joue.
« Bonjour », dit-il en lembrassant. « Pourquoi tu es levée si tôt ? »
« Oh, je me suis réveillée », répondit Camille en détournant les yeux. « Thomas, je vais voir une amie aujourdhui, daccord ? Ça fait longtemps. »
« Quelle amie ? »
« Sophie », lança-t-elle, le premier prénom qui lui vint.
« Ah, bien sûr », répondit-il en bâillant. « Je vais au cinéma avec Élodie. Elle a demandé hier. »
Bien sûr quelle a demandé, pensa Camille sans rien dire.
Le bureau de lavocat sentait le café et le papier. Maître Laurent, un homme chauve à lunettes, lécouta attentivement.
« Donc, lappartement vient de la grand-mère de votre mari Vous y êtes inscrite ? »
« Oui, juste après le mariage. »
« Et à qui est-il au nom ? »
« Pardon ? »
« Le titre de propriété. Donation ? Testament ? »
Camille cligna des yeux, perplexe.
« Je ne sais pas Thomas sest occupé de tout. »
Lavocat soupira.
« Voici ce que vous devez faire, Camille. Dabord, vérifiez qui est le propriétaire légal. Si cest seulement votre mari, vous avez un problème. Si cest les deux, sa sœur ne peut rien contre vous. »
« Comment je vérifie ? »
« Demandez un extrait sur le site des services publics ou à la mairie. Faites-le aujourdhui. »
Camille rentra chez elle avec un plan clair. Dans lentrée, elle trébucha sur les chaussures dÉlodie.
« Oh, te voilà ! » lança Élodie depuis la cuisine. « Où étais-tu ? On ta perdue. »
« Chez une amie », répondit Camille en essayant de garder sa voix calme.
« On est allés au cinéma avec Thomas », ricana Élodie en sappuyant contre le mur. « Mon petit frère ne grandit jamais il a encore choisi ces films daction débiles. »
Camille passa devant elle avec un hochement de tête. Dans la chambre, elle ferma la porte et sortit son téléphone. Elle trouva rapidement le site des services publics, commanda un extrait de propriété. Paya. Maintenant, il ne restait plus quà attendre.
Ce soir-là, alors que Thomas dormait et quÉlodie sétait enfer







