Désarroi et confusion
Éloise sortit de léglise triste mais avec un semblant despoir. Elle avait supplié Dieu en pleurant de lui accorder un enfant. Avec son mari, ils vivaient ensemble depuis plus de dix ans, sans jamais pouvoir concevoir. Alors, elle sétait mise à fréquenter léglise, implorant, priant. Dix ans de mariage avec Théo, et pas une seule grossesse.
Combien de larmes avait-elle versées ? Combien de médecins avait-elle consultés ? Mais la réponse était toujours la même :
« Vous êtes en bonne santé, ça arrive parfois, il faut patienter Le temps nest pas encore venu. »
« Mais combien de temps encore, Théo ? Combien ? » disait-elle en regardant son mari. « Sans enfant, il ny a pas de famille complète. »
Théo, lui aussi, souffrait. Il rêvait dun héritier, dautant plus quil menait une entreprise florissante. Ils vivaient dans laisance, ne manquant de rien, sauf dun enfant.
« Éloise, et si nous adoptions un enfant ? Un tout-petit, nous lélèverions comme le nôtre », proposa-t-il un jour.
« Non, Théo, je veux donner naissance moi-même. Les médecins disent que je suis en bonne santé, alors pourquoi ? »
Peut-être Dieu eut-il pitié dÉloise, ou peut-être était-ce enfin le moment mais elle tomba enceinte. Une joie sans limites les submergea. Bien que la grossesse fût difficile, elle endurerait tout pour la naissance de cet enfant tant attendu.
Antoine naquit fragile, souvent malade. Ses parents veillaient sur lui jour et nuit, le protégeant de tout, même des autres enfants, de peur quil ne tombe malade. Éloise lemmenait se promener loin des aires de jeux.
Ils lui achetaient tout ce quil y avait de mieux : à quatre ans, il avait une tablette, et à son entrée en CP, un téléphone haut de gamme. Tout ce quil désirait, il lobtenait. Mais plus Antoine grandissait, plus son caractère devenait insupportable.
Théo était toujours au travail, Éloise à la maison, soccupant de leur fils, préparant ses repas sur commande. Mais quand elle osait cuisiner autre chose, Antoine râlait :
« Quest-ce que cest que cette chose immonde ? Je ne mangerai pas ça. Je ne veux pas de soupe à loignon ! » Et il vidait la salière dans son assiette, exigeant son plat préféré.
Antoine avait maintenant treize ans, lâge ingrat. Il était devenu incontrôlable. Éloise en parlait à Théo, mais celui-ci la rassurait :
« Éloise, cest juste une phase, ça passera. »
Un soir, Théo rentra du travail et annonça demblée :
« Fiston, je tai acheté un nouveau téléphone. »
Antoine sortit de sa chambre, prit la boîte et une minute plus tard, des cris retentirent :
« Cest quoi ce truc ? Je tavais dit lequel je voulais ! Seuls les miséreux ont ce modèle. Vous voulez quon se moque de moi ? » Il balança le téléphone contre le mur et claqua la porte.
Les parents échangèrent un regard consterné.
« Je te lavais dit », murmura Éloise. Théo ne sut quoi répondre.
Cétait pareil pour les vêtements, les chaussures. Ils ne choisissaient plus rien sans lui, sinon cétait la crise. Puis le professeur principal appela Éloise pour la convoquer.
Elle comprit que ce nétait pas pour une bonne raison.
« Bonjour, madame Lefèvre », commença le professeur. « Merci dêtre venue. Je dois vous parler sérieusement du comportement de votre fils. Antoine insulte les professeurs, perturbe les cours, et quand on le réprimande, il ricane en parlant de ses droits Il prête son téléphone aux autres, puis leur réclame de largent ou quils fassent ses devoirs. »
Éloise aurait voulu disparaître sous terre. Elle rougit, brûlante de honte.
« Sil vous plaît, madame Lefèvre, faites quelque chose », conclut le professeur.
Elle sexcusa et promit dagir. En rentrant, elle se demanda si elle nallait pas craquer, si elle ne finirait pas par gifler Antoine.
« Où avons-nous failli ? Nous laimons tant Comment laffection peut-elle engendrer une telle cruauté ? » Antoine, cet enfant tant désiré, était devenu agressif, cruel, irrespectueux. Ils ne parvenaient pas à gérer leur unique fils.
Leurs voisins, une famille nombreuse avec quatre enfants, vivaient dans lharmonie. Jamais de cris, jamais de disputes. Les aînés aidaient même Éloise à porter ses courses. Un jour, elle demanda à Claire, leur mère, son secret.
« Cest simple, mon mari vient aussi dune famille nombreuse. Il dit toujours : plus il y a denfants, plus la paix règne. Et tu sais ? Cest vrai. Ils sentraident. »
Éloise lécoutait, envieuse, car jamais elle navait entendu un mot grossier chez eux.
Ce soir-là, Antoine rentra de lécole, jeta son sac par terre, éparpilla ses baskets de marque dans lentrée.
« Jen ai marre de cette école, marre de ces profs. Maman, je tavais dit de ne pas entrer dans ma chambre ! »
Éloise, encore sous le choc de sa rencontre avec le professeur, se tut. Elle navait plus la force de supporter ses caprices.
Au dîner, Antoine ne vint pas. Elle entra dans sa chambre et le vit, debout, en train de découper lentement sa veste en cuir coûteuse, un sourire narquois aux lèvres.
« Tiens, voilà pour ta visite à lécole. La veste était chère ? Tant pis. Tu men achèteras une autre, plus chère. Sinon, je recommencerai. »
Il continuait sous son regard horrifié. Éloise ny tint plus et le gifla. Antoine, surpris, porta la main à sa joue. Elle eut un élan pour le serrer dans ses bras mais son expression la glaça.
« Cest comme ça ? Eh bien, on va voir ! »
Il attrapa son téléphone et composa un numéro.
« Police ? Venez vite, ma mère me frappe. Oui, ma propre mère ! Ladresse ? Notez »
Quand le policier arriva, il regarda Éloise, Antoine, lappartement cossu, et soupira :
« Je me trompe ? »
« Non, cest moi qui ai appelé », claironna Antoine. « Elle ma frappé. Je veux quelle soit punie. »
Le policier, habitué aux parents ivres ou aux enfants négligés, resta interdit.
« Un simple conflit familial. Vous réglerez ça entre vous. »
« Non ! Je connais mes droits. Si vous partez, je porterai plainte contre vous ! »
Le policier, abasourdi, regarda Éloise.
« Emmenez-le », murmura-t-elle, épuisée. « Peut-être que ça le fera réfléchir. »
Antoine revint quelques jours plus tard, méprisant :
« Maintenant, vous allez danser ! »
Mais le lendemain, les services sociaux débarquèrent. Voyant la situation, ils ordonnèrent :
« Prépare-toi, Antoine. Tu viens avec nous. »
« Où ça ? »
« En centre daccueil. Si tu es maltraité ici, nous devons agir. »
Stupéfait, Antoine dut les suivre. Une travailleuse sociale glissa à Éloise :
« Je vous appellerai. »
Une fois la porte refermée, Éloise seffondra dans un fauteuil.
« Théo, je naurais jamais cru







