Robert entendit un faible miaulement. En baissant les yeux, il découvrit un petit chaton que la mère chat défendait désespérément contre un chien menaçant…

Un gémissement ténu parvint aux oreilles de Robert. En baissant les yeux, il aperçut un minuscule chaton, que sa mère protégeait désespérément contre un chien menaçant

Il trébuchait sur le trottoir glissant de lautomne parisien, ses jambes refusaient de lui obéir, et un brouillard trouble emplissait son esprit, brouillard de vin et de souffrance. Son âme était aussi sombre que le ciel ce soir-là, comme si quelquun avait éteint les lanternes de son cœur.

Dans sa main, une bouteille à peine débouchée. Il sapprêtait à boire, espérant que lalcool emporterait un peu de cette douleur qui létouffait. La même question revenait, lancinante : « Pourquoi moi ? » Mais il navait plus la force dy chercher une réponse

Robert était un chirurgien brillant. Ses mains dor avaient sauvé tant de vies, même dans les cas les plus désespérés. Il travaillait jusquà lépuisement, se battant pour chaque patient comme sil sagissait dune guerre. Pour lui, chaque opération était un combat : pour la santé, pour le destin, pour lespoir.

Les journaux parlaient de lui, les chaînes le montraient aux infos, tout Lyon le reconnaissait dans la rue. Mais tout cela importait peu. Ce quil voulait, cétait aider, sauver. Il refusait les offres des cliniques prestigieuses, rejetait les salaires mirobolants, et restait fidèle à sa ville natale. Sa femme le lui reprochait. Elle hurlait, laccusait, mais Robert tenait bon.

Et ce jour-là, elle avait appris quil avait encore refusé un poste à Paris. Mot après mot, la dispute avait éclaté au téléphone. Elle lui avait crié quil détruisait leur famille. Leur fils était dans la voiture, mais même sa présence navait pas arrêté le torrent de reproches. Elle navait pas vu le camion sortir de lallée.

Un choc. Des freins qui crissent. Un procès. Des funérailles. Et le vide.

Robert serra la bouteille, prêt à avaler une gorgée, quand un aboiement retentit. Il fronça les sourcils, cherchant doù venait le bruit. Le vent lui fouettait le visage, mais il finit par apercevoir, sous une arche près de limmeuble, un adolescent excitant un chien de combat contre une chatte.

Celle-ci, plaquée contre le mur, crachait de peur tandis que le garçon encourageait la bête :
Allez, Rex ! Attrape-la !

Le chien sélançait, aboyait, se ruait il adorait ce jeu cruel. Mais la chatte, malgré sa terreur, lui griffa le museau dun coup de patte. Robert cligna des yeux. Quelque chose clochait dans cette scène Il vit alors que la chatte protégeait une petite boule de poils un chaton.
Tu es fou ou quoi ?! hurla Robert, jetant la bouteille avant de glisser dans les flaques pour leur porter secours.

Le garçon se retourna. Voyant lhomme courir vers lui, il enroula rapidement la laisse autour de son poignet et recula. Robert sapprocha, ramassa la chatte épuisée, la serra contre lui. Elle se débattit, mais un faible gémissement lui fit baisser les yeux : le chaton était là, à ses pieds.

Il prit délicatement le petit et le déposa près de sa mère. La chatte se calma aussitôt.
Pourquoi incites-tu ce chien à lattaquer ? Tu veux quil déchire cette pauvre mère et son bébé ?! Robert fixa le garçon avec colère. Si tu étais mon fils, je taurais donné une correction dont tu te souviendrais ! Où est ton père ? Cest lui qui tapprend ça ?

Le garçon baissa les yeux, reculant encore.
Il nest plus là, murmura-t-il à peine.

Robert se raidit. Une douleur sourde perçait dans cette voix. Dans la pénombre, il distingua une larme sur la joue du garçon. Il sapprocha, plus calme :
Tu sais que cest mal, ce que tu as fait, non ?

Ladolescent hocha la tête, reniflant.
Maman ma offert Rex récemment. Je voulais juste voir quelles commandes il connaissait. Désolé. Je recommencerai plus. Il détourna le regard et tira le chien vers larrière.

Comment tu tappelles ? demanda brusquement Robert.
Arthur, répondit le garçon, sarrêtant pour regarder lhomme tenant la chatte et son petit.

Ne refais plus ça, Arthur. Compris ?

Silencieux, ladolescent hocha la tête et disparut au coin de la rue.

Robert secoua la tête et rentra chez lui en hâte. Il vivait à deux pas de là. Serrant contre lui ses nouveaux protégés, il monta au troisième étage, franchit le seuil sans même enlever son manteau, et déposa délicatement ses invités sur le canapé.

La chatte navait pas de blessures, mais une patte semblait endommagée. Robert la caressa. Elle se blottit contre lui, confiante.
Tu es magnifique. Et ton petit aussi, murmura-t-il en souriant.

Il ouvrit le frigo, sortit du pâté, le posa sur une soucoupe et le leur apporta. La chatte et le chaton mangèrent avec appétit. Une fois repus, la mère commença à lécher son petit, et Robert sourit malgré lui.

Tu es si douce Douce, cest comme ça que je tappellerai, chuchota-t-il.

Il les déposa délicatement dans un sac de sport, enfila son pardessus et se précipita vers la clinique vétérinaire ouverte toute la nuit, à côté.

On a besoin dun vétérinaire, vite ! cria-t-il en entrant.

Bonsoir ! Quest-ce qui se passe ? demanda une jeune femme en savançant.

Voilà ! Robert posa le sac sur la table et en sortit Douce avec précaution. Elle a sûrement une patte cassée, peut-être même déplacée. Je les ai trouvés dans la rue.

Voyons ça. La vétérinaire prit la chatte et commença lexamen. Il faudra une radio et des analyses. Ça prendra un peu de temps. Vous pouvez les laisser, puis ils iront dans un refuge.

Quoi ? Un refuge pour ma Douce ? sindigna Robert. Hors de question, elle est à moi ! Et le chaton aussi !

Daccord, daccord, dit la femme, conciliante. Alors attendez ici, asseyez-vous.

Elle emmena Douce dans une salle voisine. Peu après, une assistante vint chercher le chaton pour lexaminer. Robert resta seul à patienter.

Une heure passa avant quon ne lui rende le petit.
Tout va bien, il est en bonne santé. Juste les yeux un peu irrités, il faudra des gouttes pendant quelques jours, expliqua lassistante en lui tendant le chaton. Merci à vous !

Pourquoi ? demanda-t-il, surpris.

Pour ne pas être passé votre chemin et les avoir sauvés tous les deux, répondit-elle avec un sourire chaleureux avant de partir.

Deux heures plus tard, la vétérinaire revint avec Douce.
Nous avons opéré, elle est encore sous sédation. La fracture était complexe, avec déplacement. Elle observa Robert attentivement. Votre visage mest familier Ah oui, vous êtes bien Robert Lefèvre, le chirurgien de lhôpital régional ?

Elle ira mieux ? demanda-t-il, anxieux.

Jen suis sûre, affirma-t-elle. Lopération sest bien passée, la patte guérira. Vous

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