Bonjour, maman, murmura timidement Aurélie en franchissant le seuil de lappartement de ses beaux-parents. Je ne vous dérange pas ?
Mais non, ma chérie ! sexclama Élodie avec un sourire sincère. Je suis si heureuse de te voir. Tu as faim ?
Et vous ? rétorqua Aurélie.
Un peu, admit la belle-mère en riant. Si tu veux bien, déjeunons ensemble.
Daccord, acquiesça Aurélie. Mais à une condition : nous mangerons ce que jai apporté.
Comment ça ? sétonna Élodie.
Ne soyez pas surprise, mais jai préparé une jarre de pot-au-feu pour vous, expliqua la jeune femme.
Quest-ce que cela signifie, Aurélie ? soffusqua Élodie. Tu crois que je nai rien à te servir ?
Non, vous me comprenez mal. Laissez-moi vous expliquer, sempressa Aurélie en sortant un bocal doù séchappait une délicate odeur. Jai besoin que vous le goûtiez et me disiez ce qui manque à ma recette.
Pourquoi ?
Parce que votre fils, Mathieu, ne cesse de répéter que votre pot-au-feu est meilleur que le mien.
Mathieu dit ça ? Élodie plissa les yeux, incrédule.
Oui. Jai tenté dix fois de lui préparer son plat préféré, mais il nest jamais satisfait. Il jure que vous le faites mieux. Je veux comprendre où je me trompe.
Ma chérie, à quoi bon ? insista Élodie.
Je veux lui faire plaisir, avoua Aurélie dune voix tremblante.
Mon Dieu La belle-mère esquissa un sourire amer. Ne serait-il pas plus simple de lui faire une scène ?
Une scène ?
Oui. Une bonne colère. Lui dire que sil ose encore critiquer ta cuisine, tu cesseras de le nourrir.
Vous plaisantez ? seffraya Aurélie. Et sil se vexe ? Dailleurs, il complimente mes autres plats Seul le pot-au-feu ne lui convient pas.
Ce petit insolent grommela Élodie.
Pourquoi dites-vous ça ? protesta Aurélie. Cest votre fils !
Parce quil se comporte comme un enfant gâté ! Cest son père qui lui a donné ce défaut. Lui aussi, à table, lance parfois que sa mère cuisinait mieuxjuste pour ménerver.
Vraiment ?
Oui, mais cest une taquinerie. Peut-être que Mathieu plaisante aussi ?
Non, il est sérieux. Sil vous plaît, Élodie, goûtez mon pot-au-feu. Je vous en supplie.
Bon sang soupira la belle-mère. Allons à la cuisine.
Cinq minutes plus tard, Élodie savourait le plat dAurélie.
Cest délicieux ! sexclama-t-elle après quelques bouchées. Bien meilleur que le mien.
Vous dites ça pour me rassurer ? douta Aurélie.
Non, cest vrai, ma chérie, un régal !
Apprenez-moi quand même votre recette.
Inutile ! sécria Élodie. Tu cuisines mieux que moi. Si tu ne me crois pas, goûte le mienje lai préparé hier.
Aurélie obéit, hésitante.
Alors ? demanda Élodie.
Cest bon, répondit poliment Aurélie.
Voilà. Juste bon. Alors que le tien est exceptionnel. Ce Mathieu ne sait pas ce quil veut.
Non Il a simplement lhabitude du vôtre.
Ah oui ? Élodie eut un regard malicieux. Prends une portion du mien ce soir. Dis-lui que nous lavons préparé ensemble. Voyons ce quil en pense.
Le soir venu, Mathieu, de retour du travail, interrogea sa femme :
Tu es vraiment allée voir maman aujourdhui ?
Comment le sais-tu ?
Elle ma appelé. Elle a dit que vous aviez cuisiné ensemble et que tu rapportais du pot-au-feu.
Exact, confirma Aurélie.
Parfait ! senthousiasma-t-il. Je me lave les mains, et jattends avec impatience.
Dès la première bouchée, son visage se figea.
Cest bien maman qui la fait ?
Bien sûr.
Et tu las goûté ?
Oui, approuva Aurélie. Jai adoré. Je le préparerai ainsi désormais.
Non ! sécria Mathieu, alarmé.
Pourquoi ?
Continue comme avant.
Mais
Ton pot-au-feu Il repoussa son assiette. Il est bien meilleur. Je Je nai plus faim. Prenons juste du thé.
Perplexe, Aurélie haussa les épaules.
Dès quil quitta la cuisine, elle saisit une cuillère, goûta le plat et grimça.
Elle appela aussitôt Élodie.
Je ne comprends pas, chuchota-t-elle. Jai goûté votre pot-au-feu, et il est
Immangeable ? acheva calmement Élodie.
Mais pourquoi ? Il était bon tout à lheure !
Jy ai ajouté du lait tourné. Alors, il la essayé ?
Oui
Et ?
Il na pas aimé.
Pas aimé ? éclata de rire Élodie. Alors ses papilles fonctionnent bien. Quil ose encore critiquer ta cuisine ! Je lui montrerai, à lui, qui cuisine le mieux !







