Maman a dit que tu ne nous convenais pas, expliqua le fiancé en annulant le mariage.
Les fleurs, tu les as déjà commandées ? demanda Marie-Claire en parcourant la liste des tâches dans le carnet de sa fille. Les fleuristes sont tous réservés, cest la saison des mariages.
Élodie hocha la tête sans lever les yeux de la robe de mariée suspendue devant le miroir.
Oui. Des roses blanches et des lisianthus, comme on en avait parlé.
Cest bien. Et les musiciens ? Ce DJ qui a animé le mariage de Sophie, il est libre ?
Maman, tout est déjà organisé, répondit Élodie, lasse. Je te lai dit hier.
Marie-Claire posa le carnet et observa sa fille. Élodie lui tournait le dos, ajustant les plis de la robe, mais ses épaules tendues trahissaient son malaise.
Élodie, pourquoi cet air triste ? Le mariage est dans une semaine, et tu as lair daller à un enterrement.
Tout va bien, maman. Je suis juste stressée.
Cest normal. Jétais pareille avant mon mariage.
Élodie se retourna. Son visage était pâle, ses yeux cernés.
Tu as regretté, après, davoir épousé papa ?
Marie-Claire sursauta.
Bien sûr que non. Ton père était un homme bien. Pourquoi cette question ?
Je me demande parfois si cest le bon choix. Et si nous étions trop différents, Antoine et moi ?
Quelle idée ! Antoine est un garçon admirable. Travailleur, sobre, fidèle. Sa mère est distinguée, il a un appartement. Que demander de plus ?
Élodie se détourna vers le miroir. Dans le reflet, sa mère vit ses yeux emplis de tristesse.
Maman, comment savoir si on aime vraiment quelquun ?
Élodie ! sexclama Marie-Claire. Poser ça une semaine avant le mariage ! Bien sûr que tu laimes. Sinon, pourquoi accepter ?
Je ne sais pas. Parce quil faut bien, peut-être. Jai vingt-huit ans, toutes mes amies sont mariées.
Exactement. Il est temps de fonder une famille, davoir des enfants. Tu ne vas pas rester vieille fille.
La sonnette interrompit leur conversation. Élodie alla ouvrir, et Antoine entra, un bouquet dœillets à la main.
Bonjour, ma belle, dit-il en lembrassant la joue. Marie-Claire, bonjour à vous aussi.
Bonjour, mon futur gendre, sourit Marie-Claire. Prêt à devenir mari ?
Absolument. Nest-ce pas, mon soleil ?
Élodie esquissa un sourire forcé.
Oui, bien sûr.
Et ta mère ? demanda Marie-Claire. Nous devions nous voir aujourdhui pour les derniers détails.
Antoine hésita.
Elle ne se sent pas très bien. Elle sexcuse.
Encore ? sétonna Marie-Claire. Bizarre. Cette semaine, cétait les migraines, puis la tension.
Elle est anxieuse. Le mariage la stresse.
Élodie étudia son fiancé. Quelque chose clochait : son regard fuyait, ses doigts sagitaient.
Antoine, si on allait la voir ? Vérifier comment elle va ?
Non, répondit-il trop vite. Elle se repose. Mieux vaut ne pas la déranger.
Reste donc prendre un thé, proposa Marie-Claire. Jai fait des cookies, ceux que tu aimes.
Merci, mais je ne peux pas mattarder. Jai des choses à faire.
Il embrassa Élodie à la hâte et se dirigea vers la porte.
Antoine, attends, larrêta-t-elle. Je taccompagne. Jai besoin dair.
Ce nest pas la peine. Je suis en voiture.
Alors emmène-moi au supermarché. Jai des courses.
Visiblement réticent, il nosa pas refuser.
Daccord, allons-y.
Dans la voiture, Élodie boucla sa ceinture et le dévisagea.
Antoine, que se passe-t-il ? Tu es bizarre aujourdhui.
Tout va bien. Je suis juste fatigué.
Ta mère est vraiment malade ?
Il ne répondit pas tout de suite, démarra et sortit de la cour.
Écoute, Élodie commença-t-il enfin. Il faut quon parle.
Son cœur se serra.
De quoi ?
Du mariage.
Quest-ce qui ne va pas ?
Il gara la voiture et coupa le moteur. Se tourna vers elle, évitant son regard.
Maman a dit que tu ne nous convenais pas, lâcha-t-il dun trait.
Le sol sembla se dérober sous elle.
Quoi ?
Elle est contre notre mariage. Elle pense que nous ne sommes pas faits lun pour lautre.
Antoine, je ne comprends pas. Pourquoi maintenant ? Ça fait un an et demi que nous sommes ensemble, tout allait bien.
Je ne sais pas. Cest son avis.
Et toi, quen penses-tu ?
Il haussa les épaules.
Elle a probablement raison. Elle a plus dexpérience.
Élodie regarda cet homme avec qui elle avait envisagé sa vie, et ne le reconnut plus.
Antoine, mais nous nous aimons. Cela ne compte-t-il pas plus que lavis de ta mère ?
Lamour fit-il en agitant la main. Ce ne sont que des mots. La réalité est autre. Maman dit que tu es trop indépendante. Que tu ne mécouteras pas.
Pourquoi dit-elle ça ?
Tu travailles, tu gagnes plus que moi. Elle pense que les femmes comme toi ne respectent pas leur mari.
Une colère monta en elle.
Je devais donc démissionner pour lui plaire ?
Pas forcément. Mais après le mariage, tu pourrais trouver un travail plus simple. Pour te consacrer à la famille.
À la famille ou à ta mère ?
Il fronça les sourcils.
Ne parle pas ainsi delle. Elle veut mon bonheur.
Le tien ou le sien ?
Élodie, tu ne comprends pas. Elle ma élevé seule, mon père est parti quand javais cinq ans. Elle a tout sacrifié pour moi.
Et maintenant, tu dois sacrifier ta vie pour elle ?
Cest ma mère. Je ne peux pas la décevoir.
Élodie le regarda et vit enfin la vérité. Pendant un an et demi, elle avait cru à un homme doux et attentionné, un peu influençable. Elle pensait quil prendrait son indépendance après le mariage.
En réalité, il nétait quun petit garçon soumis, incapable de décider par lui-même.
Antoine, quest-ce que ta mère me reproche, exactement ?
Beaucoup de choses, marmonna-t-il. Elle trouve que tu es trop fière. Que tu ne réagis pas bien à ses critiques.
Elle se souvint des remarques constantes de sa future belle-mère. Le plat trop salé, la chemise mal repassée, le maquillage trop voyant.
Et encore ?
Elle dit que tu ne veux pas denfants. Que ta carrière passe avant tout.
Je nai jamais dit ça !
Tu as réagi froidement quand jai évoqué des enfants juste après le mariage.
Elle se rappela cette conversation. Antoine avait suggéré de ne pas attendre. Elle avait répondu quelle voulait dabord profiter de leur vie à deux.
Je veux des enfants, Antoine. Mais pas tout de suite.
Maman dit que ce sont des excuses. Que les femmes modernes sont égoïstes.
Et toi, quen penses-tu ?
Il haussa les épaules.
Maman est une femme sage. Elle a de lexpérience.
Antoine, tu as trente-deux ans. Tu ne peux pas choisir toi-même ta femme ?
Bien sûr que si. Mais pourquoi contredire maman ? Elle
