Prête à Partir avec Mon Fils et lEssentiel de Ce Village
Javais déjà fait mentalement ma valise avec lindispensable pour fuir avec mon fils loin de mon mari et de ses parents, de ce petit village perdu en pleine campagne. Non, je ne consacrerai pas ma vie à leurs chèvres, leurs vaches et leurs interminables potagers. Ils croient quen épousant Théo, jai signé un contrat pour devenir la main-dœuvre gratuite de leur ferme. Mais je refuse. Ce nest pas la vie que je veux, et je ne veux pas que mon fils grandisse dans ce trou perdu, où le seul divertissement est de discuter des litres de lait que la vache Étoile a donnés.
À mon arrivée, après le mariage, javais cru que les choses ne seraient pas si terribles. Théo était attentionné, ses parents, Jeanne et son mari, semblaient gentils. Le village avait même son charme : champs verdoyants, air pur, silence. Javais presque cru que je my ferais. Mais la réalité ma rapidement rattrapée. Une semaine après notre installation, Jeanne ma tendu un seau en mordonnant de traire les chèvres. « Maintenant, tu es des nôtres, Camille, tu dois aider ! » a-t-elle dit avec un sourire qui me glace encore le sang. Moi, fille de la ville, qui navais jamais soulevé plus lourd quun ordinateur portable, jai dû apprendre à traire avant le coucher du soleil. Ce fut mon premier avertissement.
Théo, en fin de compte, na pas eu lintention de me défendre. « Ma mère a raison, ici tout le monde travaille », a-t-il répondu quand jai tenté de protester. Ainsi commença ma nouvelle routine : réveil à cinq heures du matin, nourrir les bêtes, désherber les jardins, nettoyer la maison, cuisiner pour tous. Je me sentais plus une servante quune épouse. Et si josais demander un jour de repos, Jeanne roulait des yeux et entamait son sermon : « De mon temps, les femmes travaillaient du matin au soir sans se plaindre ! » Théo restait silencieux, comme si cela ne le concernait pas.
Mon fils, âgé de trois ans à peine, était ma seule lumière. En le regardant, je sais quil ne doit pas grandir ici, où son avenir se résume à travailler à la ferme ou à partir pour Lyon, où il sera toujours un étranger. Je veux quil aille à la crèche, quil étudie, quil voyage, quil découvre le monde. Ici ? On na même pas une connexion internet correcte pour lui mettre des dessins animés. Quand jai suggéré de linscrire à un atelier de peinture dans le bourg voisin, Jeanne a ricané : « Pour quoi faire ? Autant quil apprenne à traire les vaches, ça au moins, cest utile ! »
Jai essayé de parler à Théo. Je lui ai expliqué que jétouffais, que ce nétait pas la vie dont javais rêvé. Mais il a simplement haussé les épaules : « Tout le monde vit comme ça, Camille. Quest-ce que tu veux ? » Et jai découvert récemment que Jeanne prévoit dagrandir létable et dacheter une nouvelle vache. Bien sûr, tout le travail retomberait sur moi. Ce fut la goutte deau.
Jai commencé à économiser en secret. Peu, mais assez pour deux billets de train jusquà la ville. Une amie à Bordeaux ma promis de maider à trouver un logement et un travail. Je nous imagine déjà, mon fils et moi, montant dans ce train, laissant derrière nous ce village, les chèvres, les vaches et les sermons de Jeanne. Je rêve dun petit appartement où régnerait notre intimité, où je pourrais travailler et où mon fils grandirait avec des opportunités. Je veux me sentir humaine à nouveau, pas une machine à travailler.
Bien sûr, jai peur. Je ne sais pas ce que sera la vie en ville. Trouverai-je un emploi ? Largent suffira-t-il ? Mais une chose est sûre : je ne peux pas rester ici. Chaque fois que je vois mon fils jouer dans la cour, je pense quil mérite mieux. Et moi aussi. Je ne veux pas quil voie sa mère ployer sous ce fardeau, se perdre pour satisfaire les autres.
Jeanne ma dit lautre jour que jétais « trop citadine » et que je ne serais jamais des leurs. Vous savez quoi ? Elle a raison. Je ne veux pas être des leurs. Je veux être moi-même Camille, qui rêvait dune carrière, de voyages, dune famille heureuse. Et je ferai tout pour reconquérir cette vie. Même si cela signifie prendre une valise et fuir avec mon fils là où personne ne nous forcera à traire des vaches.
La vie nous appartient, et parfois, il faut avoir le courage de la reprendre.







