Se Soumettre à l’Amour

Élodie, reviens à toi ! Ton prétendant a dix-huit ans, toi vingt-six ! Le couple parfait, vraiment. Quest-ce quil peut toffrir ? Des problèmes sans fin, voilà. Tes collègues vont se moquer de toi. Une prof amoureuse de son élève, où a-t-on vu ça ? Démissionne de cette école avant quil ne soit trop tard. Sinon, on te virera pour immoralité, ma mère avait tout dramatisé.

Javais envie de hurler. Cétait comme ça : Hugo et moi, nous nous étions aimés. Oui, il était bien plus jeune, mon élève. Mais dans un an, il aurait son bac. Nous nous marierions. La différence dâge ne se verrait plus. Il suffisait dattendre un peu. Je navais pas la force de le quitter. Hugo était mon premier amour. Bien sûr, maman exagérait en prétendant que tout le monde était au courant. Nous nous voyions en secret.

Évidemment, je savais quune nouvelle aussi brûlante ferait le tour du lycée en un clin dœil. Pourtant, je ne pouvais me retenirje me consumais dans ses bras, guettant chacun de ses regards. Je donnais un mauvais exemple. Moi, la prof, censée semer le bon et le raisonnable.

Ma mère aussi était enseignante. Pour elle, mon comportement était inexplicable. Jai regretté de lui avoir confié ma joie anxieuse. Son soutien ? Absent. Combien de fois avais-je songé à rompre ? Impossible à dire. Mais dès que je le voyais, mon cœur semballait, le souffle coupéau diable tout le reste, je laimais ! Les interdits seffaçaient, je défiais tout.

Avec Hugo, je redevenais une gamine. Brillant en classe, sportif, sage dans la vie. Ses camarades lui couraient après. Je devais jalouser en silence. Mon cœur oscillait entre joie et tourment.

La dernière sonnerie retentit. Hugo fut admis à la Sorbonne. Et moi je tombai enceinte.

Ma mère, remarquant mes changements physiques, ne manqua pas de commenter :
Vous avez bien joué, les tourtereaux. Et maintenant ? Tu vas te débarrasser du « fruit de lamour » ? Tu nas pas écouté, maintenant tu assumes, ma pauvre.
Non, je ne ferai rien, répondis-je.

Notre petite Léa naquit. Hugo ne se pressa pas de mépouser. Ses études primaient. Et puis, il séloignait. Évitait les rencontres, « oubliait » dappeler.

La vie étudiante, les filles de sa promo Bref, nous nous sommes séparés. Nos chemins ont divergé. Je suis retombée des nues Me voilà seule avec ma fille. Et impossible davouer cette histoire avec un élève. Les ragots, les moqueries, les jugements. Mon âme sest engourdie

Ma mère, voyant mon désarroi, me consola :
Je sens que ça ne va plus avec Hugo. Ce nest rien, Élodie, après la pluie vient le beau temps. Arrête de te ronger. Tout sarrangera, tu verras.

Deux ans passèrent. Hugo avait disparu. Un homme avec un chien commença à me courtiser. Je lappelais « lhomme au chien ». Nous nous sommes rencontrés au parc, où je promenais souvent la poussette, tandis quil sortait son teckel, Biscotte. Discussions, rires

Antoine était charmant, chaleureux, drôleil rayonnait. Notre histoire damour commença. Nous confiions Léa et Biscotte à ma mère pour aller au ciné ou prendre un café. Maman était ravie :
Allez, les jeunes, profitez tant que cest possible. Moi, je garde ma petite-fille et la chienne.

Plus tard, nous avons emménagé avec Antoine. Une paix profonde, sans tumultes.

Un jour, maman mappela, bouleversée :
Élodie, le père de Léa est venu. Il a crié dans lescalier. Je lui ai donné votre adresse. Regarde ce quest devenu ton élève chéri : doux comme un agneau, mais avec des griffes.
Ne tinquiète pas, maman, on gèrera ça, dis-je pour la rassurer, bien que nerveuse. Pourquoi revenait-il après tout ce temps ?

Hugo se pointa bientôt :
Salut, Élodie. Tu tes bien installée. Un mari, qui élève mon enfant De quel droit ?
Hugo, où est-il écrit que Léa est ta fille ? Tu tes désisté volontairement. Quelles prétentions ?

Il sadoucit aussitôt :
Élodie, je ne veux rien Et si on recommençait ? On sest tant aimés. Tu as oublié ?
Je men suis souvenue longtemps. Antoine ma aidée à tourner la page. Merci, Hugo, pour cette « leçon » damour. Tu mas perdue, cest irréversible. Au revoir.

Je lai fermement reconduit à la porte.

À son retour, Antoine remarqua mon agitation :
Quelque chose sest passé, Élodie ?

Je lui racontai la visite dHugo.
Des bêtises. Ne ten fais pas. Il devait sennuyer. Ça arrive. Viens, ton mari tattend pour dîner.

Il mattira vers la cuisine.
Mon mari ? La page de mon passeport est vierge, ricanais-je en lui faisant un clin dœil.
Élodie, épouse-moi ! fit-il, tombant à genoux.
Tas eu peur que mon ex me reprenne ?
Oui. Alors, tu acceptes ?

Son regard était sérieux.
Je vais y réfléchir, plaisantai-je, sachant quil me chouchouterait davantage.

Lété suivant, nous nous sommes mariés. Antoine a adopté Léa. Un an plus tard, notre famille sagranditMathis naquit. Nous avions bâti notre nid.

Hugo ne revint jamais. Jai su quil avait épousé une camarade de fac, qui lavait quitté avec leur bébé de trois mois pour un officier.

Les années filèrent.

Nos tempes grisonnent. Léa a épousé un Italien. Elle a emmené le petit-fils de Biscotte :
Quau moins un membre de la famille me réchauffe le cœur en exil.

Reste Mathis. Vingt-deux ans, étudiant à lÉcole Normalefou amoureux de sa prof de lettres. Elle semble lui rendre ses sentiments.

Une hérédité, décidément. Dois-je tolérer cette liaison ou le dissuader ? Sachant ce que jai vécu, je doute quil mécoute. Il aime avec la même folie. Le problème ? Sa bien-aimée est mariée, mère de deux filles. Que dire ? Les conseils sont rarement suivis. Chacun apprend par ses erreurs, fraye son propre chemin.

Mathis, décide toi-même. Mais promets-moi une chose : ne fais pas souffrir cette femme. Sois un homme. Réfléchis bien avant dagir. Ce nest pas une décision à prendre à la légère.

Maman, toi et papa êtes mes modèles. Merci de ne pas me sermonner.

Il membrassa la joue.

Pas de mariage. Mathis et Marinesa profse sont pacsés. Plus tard, Zoé naquit.

On néchappe pas à lamour

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