Le destin ne tolère pas la tromperie
Chacun a son propre destin. Le destin est une drôle de chose, tantôt il vous plonge dans un abîme où lon peine à respirer, tantôt il vous offre une joie si vive quelle vous coupe le souffle.
Diane était encore bien jeune et manquait dexpérience, mais son destin avait déjà été scellé den haut. Ce jour glacé, elle se tenait devant la tombe de sa grand-mère, presque entièrement recouverte par la terre froide. Son cœur était vide, ne laissant place quà une douleur sourde après la perte de la personne qui lui était la plus chère. Diane avait été élevée par sa grand-mère Éliane depuis lâge de dix ans, ses parents ayant péri dans un accident.
La neige tombait doucement, mais elle ne la remarquait même pas. Les quelques connaissances séloignaient déjà du cimetière. Seules quelques personnes restaient encore près de la tombe lorsque Julien, son cousin avec qui elle navait jamais été proche, sapprocha delle. Il ne rendait jamais visite à leur grand-mère, car laînée des filles dÉliane était brouillée avec elle.
Julien se pencha et lui murmura dun ton sec :
Tu ne vivras pas dans la maison de grand-mère. Dégage dès aujourdhui. Je suis son petit-fils autant que toi. Et ne tavise pas de me contredire
Il ne demanda pas son avis à Diane. Il annonça sa décision comme si elle allait de soi. Elle navait ni la force de répondre ni celle de résister. Ces derniers temps, sa grand-mère Éliane était alitée, et Diane lavait soignée jusquà son dernier souffle. Parler à Julien était inutileil la mettrait dehors de toute façon. Et puis, la perte de sa grand-mère occupait toutes ses pensées.
La veillée funèbre eut lieu dans une petite salle à manger. Julien ne sy montra même pas. Les proches étaient peu nombreux. Lorsque Diane rentra chez elle, des valises étaient déjà posées devant la porte, et Julien lui lança :
Vérifie tes affaires, je nai pas tout pris. Maintenant, sors.
Avec ses deux valises, Diane franchit le portail, sans savoir où aller. Cest alors que sa voisine, Colette, entrouvrit sa porte et lappela.
Diane, viens chez nous.
Une fois entrée, Diane posa ses valises près de la porte et seffondra sur une chaise en sanglotant. La douleur de la perte, la colère, la rancœurtout se libéra dans ses pleurs. Colette lui apporta un verre deau.
Reste avec nous en attendant. Nous trouverons une solution. Repose-toi, la nuit porte conseil.
Deux jours plus tard, Diane retourna travailler à lhôpital, où elle était infirmière. Cétait une jeune femme douce et charmante, dont les beaux yeux rayonnaient toujours de joie et de bienveillance. Mais aujourdhui, ils étaient tristes.
Tout le personnel et même les patients savaient que sa grand-mère venait de mourir. Diane était appréciée à lhôpital, et on la traitait avec affection. Beaucoup de patients louaient son sourire, capable de faire des miracles.
Ma petite Diane, dès que je vous vois, joublie mes douleurs, plaisantait Henri, un patient âgé. Et vous avez la main légère. Ah, si seulement javais encore dix-sept ans
Elle souriait à ces compliments, aimant les gens et son travail. La surveillante, Hélène Dumont, lui proposa de vivre dans sa maison de campagne. Cétait un peu loin, mais un bus y passait.
Écoute, Diane, nous ny allons quen été. Dici là, tu auras trouvé une solution. La maison est chauffée, on peut y vivre même en hiver.
Diane allait accepter lorsquun jeune médecin, Théo, sapprocha delle. Beau garçon, il travaillait à lhôpital depuis peu, venant dune autre ville. Il avait trente ans, une assurance naturelle, et sa proposition la prit par surprise.
Diane, jai entendu parler de ta situation. Moi aussi, jai été élevé par ma grand-mère, mes parents ayant divorcé très tôt et refait leur vie chacun de leur côté. Dès mon arrivée ici, jai remarqué tes yeuxun vrai miracle dans ces murs dhôpital. Il sourit, et elle rougit. Et puis, tu me plais. Je te propose de vivre chez moi.
Diane, encore plus troublée, murmura :
Mais et Valentine ? Tout le monde dit que vous sortez ensemble Vous nêtes pas libre, et vous me proposez ça ?
Théo éclata de rire.
Ces ragots ménervent. Ne les crois pas, Diane. Valentine et moi avons étudié ensemblece serait étrange si nous ne parlions pas. Nous sommes amis, cest tout. Et ne me vouvoie pas, je ne suis pas un vieux monsieur !
Valentine, médecin anesthésiste à lhôpital, était une femme belle et éclatante. Tout le monde disait quelle et Théo étaient en couple. Diane la trouvait jolie, mais son regard était un peu prédateur.
Elle avait du mal à croire quun médecin aussi séduisant sintéressait à elle et lui proposait de vivre ensemble.
Je ne peux pas accepter comme ça, répondit-elle. Que diraient les gens ? Et puis, vivre seule avec toi
Je te comprends, mais rassure-toi. Mon appartement est grand, tu auras ta propre chambre. Je te promets de ne pas te harceler. Je veux que tu voies par toi-même que je suis sincère. Et je ne vis pas seulma grand-mère, Marguerite, vit avec moi. Une femme bonne et aimable. Elle sera ravie de taccueillir. Elle ne cesse de me répéter damener une jeune femme à la maison.
Diane finit par accepter, à une condition :
Disons que tu membauches pour moccuper delle.
Diane, tu es vraiment un ange. Daccord, cest ce que nous dirons.
Elle était heureuse. Enfin, elle vivrait dans des conditions décentes, en plus davoir ce bel homme près delle. Sil disait vrai, alors elle était née sous une bonne étoile.
Diane emménagea chez Théo. Tout le monde crut quil lavait engagée comme aide pour sa grand-mère. Et Marguerite se révéla effectivement douce et gentille. Apprenant ce qui était arrivé à Diane, elle en eut les larmes aux yeux et la prit immédiatement sous son aile.
Ma chérie, je suis si heureuse que Théo tait trouvée. La vie remettra tout en ordre, et je suis ravie quil ait pris cette décision. Le temps passe, et il na ni femme ni enfants
Les semaines passèrent. Diane sattacha à Marguerite. Elle voyait peu Théo, leurs horaires ne coïncidant pas souvent. Il lui souriait, lembrassait, répétant combien il était content quelle soit là. Il espérait que leur relation évoluerait. Mais un jour, Marguerite lui demanda :
Diane, pardonne ma curiosité. Pourquoi dors-tu dans une chambre séparée ? Les jeunes daujourdhui emménagent ensemble aussitôt. Théo ma dit que tu étais sa fiancée.
Diane, gênée, lui raconta leur arrangement.
Il me plaît, mais je ne peux pas me précipiter.
Elle était heureuse, courant du travail pour retrouver Marguerite, quelle considérait déjà comme sa famille. Elles passaient des soirées à bavarder, comme autrefois avec sa grand-mère.
Je suis si contente que Théo tait choisie, lui confia Marguerite. Je lui ai dit que je lui léguerais cet appartement sil se mariait. Et toi, tu es exactement la femme quil lui faut.







