**Premier jour dété**
Le premier jour dété pour le petit Louis, six ans, commença par une attente interminable. Grand-père Jean avait décidé de lemmener passer lété à la ruche, dont son père lui parlait si souvent ! Maman avait dabord hésité, puis avait accepté, mais pas pour tout létéjuste jusquen août. À ce moment-là, elle et papa viendraient le chercher dans ce coin perdu de la campagne pour préparer la rentrée. Cette année, il entrerait en CP !
Grand-père Jean arriva tôt le matin dans sa vieille Renault, apportant des friandises des bois, mais Louis ne leur jeta même pas un regard. Il tournait autour de son grand-père, tirant sans cesse sur sa manche pour le presser de partircomme si, dun moment à lautre, maman pouvait changer davis. Amusé, Grand-père lui ébouriffa les cheveux :
« Ne tinquiète pas, mon petit, cest décidé ! Mieux vaut prendre ton petit déjeuner, nous déjeunerons à la ruche. »
Enfin, les valises chargées, ils partirent. Pour la première fois, Louis se retrouvait sans la surveillance de ses parents. Mais avec Grand-père, cétait différent. Grand-père était un ami. Jamais il ne le sermonnait, ne le grondait. On pouvait tout lui dire, discuter de choses sérieuses sans quil prenne un air condescendant. Deux hommes parlant dhomme à hommerien de plus normal, non ?
En route, Louis sendormit, honteusement. Il se réveilla quand les cahots de la route de campagne secouèrent la voiture. Par la fenêtre, des bosquets de chênes défilaient, si près quon pouvait presque les toucher. Et cette odeur ! Rien de tel en ville. Les champs étaient couverts de fleursdes taches bleues, jaunes, blanches sur un fond vertondulant sous la brise comme une mer que lui et Grand-père Jean traversaient en bateau.
« On arrive bientôt, Grand-père ? » demanda Louis, lui touchant lépaule, feignant de navoir jamais dormi, juste réfléchi.
« Bientôt. Derrière ce bois, cest la ruche. Henri doit nous attendre. Et Mina avec son petit aussi. »
« Mina, cest la maman du chaton ? » devina Louis. « Elle me laissera jouer avec lui ? »
« Si tu la respectes et aimes son petit, oui. Mais si vous faites les fous, elle vous corrigeraelle est stricte, pas comme ta mère. »
« Moi ? Par une chatte ? » sétonna Louis. Aucune chatte navait osé le toucher jusquici !
« Pas nimporte quelle chatte. Ne la crains pas, mais ne la fixe pas trop. Elle est douce, mais cest une bête, et elle protège son petit. »
Ils arrivèrent. Louis vit deux maisons en boisune grande, une petite. De la plus petite, aux portes ouvertes, sortit une lynx !
Louis eut un frisson, mais voyant la bête se frotter contre Grand-père, il se rassura.
« Quelle chatte ! » sexclama-t-il. Mina sapprocha, le renifla, puis cligna des yeux avant de se frotter à lui. Quand il saccroupit, elle lui fourra son nez humide dans le visage. Il éclata de rire.
« Vous voilà amis, » sourit Grand-père. « Pour elle, tu es des nôtres maintenant. »
Louis regardait, émerveillé, les grosses abeilles rayées quil navait jamais vues en ville. Une se posa sur sa joue. Et làmalheur. Sans entendre lavertissement de Grand-père, il lécrasa. La douleur lui traversa la joue, bien pire quune piqûre de médecin ! Les dents serrées, il faillit tomber. Grand-père retira le dard et, lui tapant lépaule, dit :
« Tu es un vrai homme ! Pas un cri, pas une larme. Cest une abeille. Elles ne piquent que pour se défendre. »
« Enchanté, » dit un vieil homme barbu aux yeux rieurs, serrant la main de Louis. « Je suis Grand-père Henri. Toi, cest Louis, cest ça ? »
« Oui, » fit Louis. « Je vis avec vous maintenant. »
« Bienvenue ! » se réjouit lancien.
« Grand-père Henri, une abeille est sur ton front, » prévint Louis.
Lhomme la prit délicatement, lui murmura quelque chose, et la libéra. Elle senvola en cercle avant de disparaître. Incroyable !
En une semaine, Louis apprit à vivre avec les abeilles et se lia damitié avec le chaton de Mina, quil baptisa Simba. Quand il ne suivait pas les hommes, il jouait avec lui. Mina grognait parfois mais tolérait leur amitié. Simba avait trois mois, mais bientôt, il serait aussi grand que sa mère. Ils couraient, jouaient à cache-cache dans les boisLouis ne rivalisait jamais, Simba le trouvait toujours aussitôt.
Avec les hommes, cétait passionnant. Quand labeille lavait piqué, personne ne lavait dorloté. Grand-père Jean avait retiré le dard ; Grand-père Henri lui avait tapé lépaule : « Ça arrive. » Rien de plus. Louis avait marché toute la journée avec la joue gonflée, comme un homme.
Il apprit à se lever tôt, à se laver à leau froide, à pêcher. Il attrapa des gardons, quils nettoyèrent ensemble. Grand-père Henri lui offrit même un couteau pour la forêt.
Un jour, Grand-père Henri rapporta un faon blessé. Pendant quils soignaient sa patte, Louis le caressait. Le faon, baptisé Bambi, resta un mois dans un enclos avant de partir, guéri.
« Sa mère nest pas loin, » dit Grand-père Henri.
Et en effet, Bambi finit par la suivre.
Grand-père Jean lemmena cueillir des fraises des bois, des cerises sauvages, des framboises. Il apprit à distinguer les champignons comestibles. Un jour, il vit Grand-père parler à un louplanimal tendit sa patte, se laissa examiner, puis disparut.
« Il nous protège depuis quon la libéré dun piège, » expliqua Grand-père. « Mais un loup doit rester libre. »
Cela troubla Louis, qui voulait emmener Simba.
Un matin, ni Simba ni Mina nétaient là. Grand-père Henri comprit son chagrin :
« Mina lemmène chaque jour plus loin. Elle lui apprend à survivre. Quand la neige viendra, ils partiront. Il sera grand. »
Simba et Mina apparurent de moins en moins, plus distants.
En août, ses parents arrivèrent. Maman fut stupéfaiteLouis avait grandi, bronzé, mûri. Il prit soin delle comme les hommes.
Louis savait que papa connaissait Mina. Elle se frotta à lui, puis posa son oreille sur le ventre de maman et ronronna, malicieuse.
« Tu as tout deviné, Mina ? » murmura maman, gênée.
« Mina ne devine pas, » répondit papa. « Elle sait. »
Au départ, ni Simba ni Mina ne répondirent à ses appels. Le cœur lourd, Louis retint ses larmes. En repartant, il se retournadeux taches jaunes les suivaient.
« Papa, arrête ! » cria-t-il.
La voiture sarrêta. Simba et Mina bondirent. Louis tomba à genoux ; Simba posa ses pattes sur ses épaules, frotta son museau contre lui. Mina lécha sa main.
« Vous ne mavez pas oublié ! » chuchota Louis, les larmes coulant librement.
La halte dura longtemps. Enfin, Mina grogna. Simba







