**Le Cadeau Porte-Bonheur**
Un froid glacial enveloppait Paris ce jour-là. Le ciel gris et bas semblait peser sur les épaules de Valérie, qui pressait le pas, le nez enfoui dans son écharpe. La neige fondue et le verglas rendaient les trottoirs glissants. Malgré sa prudence, elle perdit léquilibre près de larrêt de bus et tomba lourdement, son manteau clair souillé de boue.
« Oh là là ! » jura-t-elle entre ses dents.
Un garçon dune dizaine dannées, lair moqueur, lobservait. « Ma maman dit que ce nest pas bien de jurer en public. Vous voulez de laide ? »
Valérie secoua la tête. À quoi bon ? Son rendez-vous était fichu, et Pierre, son fiancé, serait furieux.
« Vous nêtes plus pressée, alors ? » insista le garçon. Il sortit de sous sa veste un petit chaton tremblant. « Tenez, prenez-le. Je ne peux pas le garder, on a déjà un chien. Et si je rate encore les cours, maman va me gronder. »
Machinalement, Valérie tendit la main et caressa la petite boule de poils multicolores.
« Un chat porte-bonheur, murmura-t-elle. On dit quils apportent la chance et largent. »
Le garçon haussa les sourcils, surpris. « Alors il est pour vous ! Pour la chance ! »
Avant quelle ne refuse, il lui mit le chaton dans les bras et sauta dans le bus qui arrivait. « Il vous rendra heureuse, cest sûr ! » cria-t-il avant que les portes ne se referment.
Valérie resta immobile, trempée, boueuse, avec ce petit être fragile contre elle. Elle éclata de rire malgré elle. « Eh bien ma journée devient moins ennuyeuse. Que vais-je faire de toi, mon petit bonheur ? »
Le chaton miaula faiblement. Valérie soupira. « Je nai jamais eu de chat. Comment on soccupe de toi ? »
Son téléphone vibra dans sa poche. Elle glissa le chaton sous son manteau pour le réchauffer et répondit à lappel de Pierre.
« Tu es où ? » Sa voix était glaciale.
« Près de chez moi. Je suis tombée. »
« Quoi ? »
« Je me suis retrouvée par terre, cest tout. »
« Tu ne tiens pas debout ? Combien de temps encore dois-je attendre ? Maman ne sera pas contente si on arrive en retard. »
Valérie hésita. Le chaton éternua contre sa poitrine, la faisant sursauter. « Pierre je ne pense pas quon puisse y aller aujourdhui. Je suis trempée, sale »
« Tu te rends compte de ce que tu dis ? » hurla-t-il. « On a prévu ça depuis des semaines ! Je tamène chez ma mère pour quelle te connaisse, et tu me fais ça ? »
Valérie garda le silence, regardant le chaton qui fixait ses yeux brillants sur elle. Soudain, les mots de sa mère lui revinrent en mémoire.
« Si un homme télève la voix ou te manque de respect, fuis. Lamour ne ressemble pas à ça. »
Elle prit une profonde inspiration. « Tu maimes ? »
Un silence brutal. Puis Pierre reprit, méprisant : « Cest ça, ta réponse ? Après tout ce que je viens de dire ? »
« Oui, cest ma question. »
Il ne répondit pas. Valérie sentit son cœur se serrer, mais elle sut alors ce quelle devait faire.
« Sois heureux, Pierre. Mais ne mappelle plus. »
Elle raccrocha, les larmes aux yeux, et serra le chaton contre elle. « On rentre à la maison, mon petit porte-bonheur. »
À lappartement, elle le nourrit, le lava et sassit à côté de lui, épuisée. Puis, comme si une force nouvelle lanimait, elle ouvrit son ordinateur. Un concours pour jeunes designers lattendait.
« Tu me donnes des idées bizarres, toi », murmura-t-elle en repoussant le chaton qui marchait sur le clavier.
Deux semaines plus tard, une réponse arriva : elle était prise dans un grand studio de design.
Trois ans plus tard, elle courut après le chat, devenu un magnifique matou, qui séchappait dans lescalier. En revenant, elle trouva un homme souriant devant sa porte entrouverte.
« Vous avez oublié vos clés », dit-il en les lui tendant.
Le chat se frotta contre sa main en ronronnant. Lhomme sourit. « Je mappelle Antoine. »
Ce fut le début dune histoire où il serait là pour elle, dans les bons et les mauvais moments. Une histoire où le chat, fidèle à sa réputation, avait bien apporté le bonheur.







